Allemagne: le jeu et l’enjeu des coalitions

Réaction économique
Zone Euro

Le résultat des élections fédérales du dimanche 24 septembre 2017 décidera de l’orientation de la politique allemande sur les quatre prochaines années.

Sauf surprise majeure, la réélection d’Angela Merkel, pour son 4ème mandat consécutif à la tête du gouvernement allemand, semble acquise au vu de la marge confortable de son parti CDU-CSU dans les sondages d’opinion. La principale inconnue de cette élection réside donc dans le choix de la coalition qui gouvernera le pays. Selon toute vraisemblance, A. Merkel ne disposera pas d’une majorité absolue au Parlement allemand, le Bundestag, et devra composer, comme c’est souvent le cas en Allemagne, avec le soutien d’un ou deux partis politiques au sein de son gouvernement. A la lecture des programmes politiques des partis susceptibles d’entrer au Parlement, au nombre de six selon les sondages, nous proposons dans cette publication de revenir sur les coalitions envisageables compte tenu à la fois de la proximité politique et de la marge d’erreur des sondages. Dans un premier temps, nous présentons l’évolution des dernières enquêtes d’opinion avant de nous interroger sur les implications pour l’agenda politique domestique et européen de la composition du futur gouvernement de coalition.

Projection des sièges au Parlement selon les sondages

« La principale inconnue de ce scrutin réside dans le choix de la coalition qui gouvernera le pays puisqu’il est très peu probable qu’Angela Merkel, actuellement largement en tête des sondages, puisse disposer à elle seule d’une majorité absolue »

Thomas Foicik

Tendance récente des sondages d’opinion

Les intentions de vote, compilées par deux instituts allemands (Forsa et Emnid), donnent une marge d’avance toujours confortable pour le parti d’Angela Merkel (CDU-CSU) autour de 38% des intentions de vote devant le parti Social-Démocrate (SPD), dirigé par Martin Schulz, qui serait crédité de 25% des intentions de vote, un niveau désormais stable. 

Depuis le début du mois de septembre, nous observons une légère érosion des intentions de vote pour la CDU-CSU et à l’inverse, une légère progression des intentions de vote pour les partis politiques plus radicaux, situés au bord de l’échiquier politique, à savoir le parti de gauche radicale (Die Linke) autour de 10% des sondés et celui de droite nationaliste et eurosceptique (AfD) proche également des 10%.  A ce jour, sur la base des sondages, six partis politiques semblent donc en mesure de dépasser le seuil de 5% des votes qui leur permet d’entrer au Parlement. Parmi eux, on retrouve également le parti libéral-démocrate (FDP) représenté par C. Lindner et allié historique de la CDU-CSU, qui est crédité de 8-10% des intentions de vote, mais aussi le parti écologiste (Die Grünen) soutenu par près de 8% des électeurs. La proportion d’électeurs indécis, parfois supérieure à 40% dans certaines enquêtes, reste particulièrement élevée à quelques jours du scrutin, signe que le choix des électeurs ne serait pas cristallisé à l’image de ce qu’on avait observé lors des élections françaises et du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne. Le mode de scrutin est dit mixte à finalité proportionnelle dans le sens où il se caractérise par un vote direct dans les 299 circonscriptions pour l’attribution de la première moitié des sièges du Parlement, puis l’autre moitié reflète, de manière proportionnelle, les voix obtenues par chaque parti ayant atteint au moins 5% de la totalité des suffrages exprimés ou ayant remporté au moins trois circonscriptions. 

Les possibilités de coalition pour le futur chancelier

D’un point de vue purement comptable, quatre coalitions semblent de l’ordre du possible en tenant compte de la marge d’erreur des sondages et de la proximité politique (voir tableau en première page). Un gouvernement minoritaire est également une alternative possible mais serait un événement sans précédent.

1er cas : « grande » coalition entre la CDU-CSU et le SPD

Le choix de cette coalition entre les deux principaux partis politiques allemands serait celui de la continuité puisque cette composition de gouvernement est actuellement en place depuis 2013. Cette coalition serait celle qui disposerait de la plus large majorité au Parlement avec plus de 60% des sièges. Historiquement, l’Allemagne a connu ce type de coalition trois fois depuis 1949. Au niveau des idées, les deux programmes présentent un certain nombre d’éléments communs sur la politique interne parmi lesquels l’allègement de la fiscalité des ménages, la volonté de soutenir l’investissement et les dépenses de recherche et développement (R&D), l’augmentation des effectifs de police et l’extension de certaines mesures de politique sociale le tout dans un cadre budgétaire équilibré. Sur l’agenda européen, la volonté de poursuivre l’intégration des pays de l’Union monétaire européenne apparaît comme une ligne directrice des deux programmes, toutefois des divergences persistent sur le rythme et la finalité de cette intégration. A titre d’exemple, le SPD souhaite avancer sur le développement des compétences (éducation, politique sociale) et d’une capacité budgétaire commune de la zone euro tandis que la plateforme électorale du parti CDU-CSU prévoit plutôt une remobilisation des ressources existantes (ESM) et reste peu ouverte à l’idée d’un mécanisme impliquant des transferts budgétaires permanents ou de toute autre forme d’engagements qui reviendrait à une mutualisation de la dette des Etats membres. Sur ce point, la décision de reconduire Wolfgang Schaüble en tant que Ministre des finances sera un signal déterminant sur l’orientation retenue par le futur gouvernement allemand. Enfin, l’obstacle de taille à la formation d’une telle coalition tiendra à la stratégie interne du SPD en cas d’échec. En effet, après avoir été partie prenante de la coalition sur les quatre dernières années, le parti de M. Schulz a rarement été en mesure de se démarquer des positions de la chancelière allemande et de tirer les fruits de sa participation au gouvernement. A l’idée que cette dernière puisse briguer son dernier mandat, le SPD pourrait choisir de faire un pas de côté afin de se mettre en ordre de marche pour les prochaines échéances. A noter que lors des précédentes élections en 2013, les négociations afin de former la grande coalition avait pris environ deux mois. 

2ème cas : coalition tripartite entre la CDU-CSU, le FDP et Die Grünen

Cette forme de coalition serait inédite au niveau national en Allemagne. En effet, l’alliance de ces trois partis n’a vu le jour qu’à une échelle régionale (Länder) à deux reprises (2009 et 2017). A eux trois, ces partis seraient crédités de 56% des sièges au Parlement selon les sondages et présenteraient donc une alternative crédible à une grande coalition. Toutefois l’analyse des programmes politiques fait état d’une grande dispersion des propositions sur plusieurs thématiques centrales : fiscalité, réglementation du marché du travail, question du modèle social et environnemental. Par exemple, le parti libéral-démocrate (FDP) propose un allègement de la fiscalité proche de celui de la CDU mais souhaite plus de flexibilité sur le marché du travail, à l’inverse du parti écologiste qui défend plus de réglementation sur les contrats de travail précaires. Ce dernier milite aussi pour l’introduction d’une taxe sur le patrimoine des ménages les plus aisés. Enfin, les divergences semblent également profondes sur leur vision de la construction européenne puisque le parti écologiste soutient l’idée d’une restructuration de la dette publique grecque alors que le FDP envisage de renforcer les règles budgétaires en Europe et critique ouvertement la politique de la banque centrale européenne. 

3ème cas : coalition entre la CDU-CSU et le FDP

Depuis 1949, l’alliance de la CDU-CSU et du FDP a été la plus fréquente avec cinq précédents. En 2013, le FDP avait échoué à atteindre le seuil de 5%, ce qui avait conduit à la grande coalition CDU/CSU et SPD. Sur la base des intentions de vote, le nombre de sièges atteint (environ 48%) ne serait pas suffisant pour atteindre la majorité absolue. Compte tenu de la marge d’erreur des sondages et des électeurs indécis, cette forme de coalition reste tout à fait envisageable. En termes de proximité politique, les points de rapprochement sont nombreux sur le plan domestique mais leurs visions respectives nous paraissent moins consensuelles sur la construction européenne. En 2009, il avait fallu trois semaines pour que la coalition soit formée.

4ème cas : coalition entre la CDU-CSU et les écologistes (Die Grünen)

Comme dans le cas de figure d’une coalition CDU/CSU et FDP, l’addition des sièges obtenus par les deux partis ne permettrait pas d’atteindre le seuil de la majorité absolue au Bundestag. Toutefois nous n’écartons pas la possibilité d’une telle coalition car les récentes positions et mesures prises par le précédent gouvernement d’A. Merkel, notamment sur les sujets environnementaux et sociétaux, ont été l’illustration d’une ouverture politique. Enfin, malgré un score qui devrait être historique et relativement élevé pour le parti de droite nationaliste et eurosceptique (AfD), les autres partis politiques ont ouvertement exclu toute forme de coalition avec lui.

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Rédigé par

Thomas Foicik

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