Finlande : l’économie retrouve des couleurs après une longue convalescence
Membre de l’Union européenne depuis 1995 et de la Zone euro depuis 1999, la Finlande a longtemps été, jusqu’à la crise de 2008-2009, l’une des économies la plus compétitive et dynamique de la région, avec un taux de croissance réel proche de 4% par an sur la période 1995-2008.
Le pays, qui compte 5,5 millions d’habitants, a connu deux phases de récession, l’une en 2009 puis l’autre entre 2012 et 2014. En 2015, l’économie finlandaise a renoué timidement avec la croissance. Depuis la fin du premier semestre 2016, les perspectives domestiques se sont éclaircies et le pays a bénéficié de l’embellie conjoncturelle perceptible à l’échelle mondiale. En effet, la demande interne s’est renforcée. La reprise a notamment pris appui sur le secteur industriel et de la construction, tandis que le secteur exportateur a repris des couleurs sous le double effet de la dépréciation de la monnaie unique et de mesures favorisant la compétitivité des entreprises. En miroir, ces mesures ont toutefois conduit à une période de modération salariale, non sans effet sur la situation financière des ménages : déclin du taux d’épargne et recours à l’endettement. De plus, la reprise de l’emploi est de faible intensité et la baisse du taux de chômage presque imperceptible. Sur le plan structurel, le pays devra s’adapter au déclin tendanciel de sa population active. Sa proximité avec la Russie, qui a été un frein depuis la crise ukrainienne, semble pouvoir jouer en sa faveur si l’économie russe se reprend et que les sanctions commerciales s’atténuent.
La dynamique de l’économie finlandaise en un regard
« Léconomie finlandaise retrouve un dynamisme inédit depuis 2011 »
Une reprise économique qui s’affermit
Après une période prolongée de récession puis de croissance atone depuis 2013, l’économie finlandaise a connu une accélération prononcée de son rythme de croissance à partir de la deuxième partie d’année 2016. Au deuxième trimestre 2017, la croissance du PIB s’établit autour de 3 % l’an (cf. graphique ci-contre), sous le double effet d’un affermissement de la consommation des ménages, ainsi que des dépenses d’investissement des entreprises, notamment dans le secteur de la construction. Le commerce extérieur n’est pas en reste également avec le redressement des échanges de biens et services avec le reste du monde, en sympathie avec un cycle mondial plus porteur. Selon toute vraisemblance, l’économie finlandaise devrait croître, en 2017, à un rythme plus élevé que sa moyenne sur la période 1997-2012 (2,5 %). Le maintien de ce rythme d’expansion lui permettrait aussi de retrouver son pic d’activité, en termes de PIB, à partir de l’année 2019. Aujourd’hui, le niveau d’activité reste encore 3 % en deçà du pic datant du T4 2007. En termes de composition, la croissance paraît de meilleure qualité avec une contribution annuelle désormais positive de l’ensemble des secteurs d’activité. Dans un premier temps, la reprise a pris appui sur le secteur de la construction, les industries du bois et du papier et les activités de commerce avant de se diffuser à d’autres pans de l’économie comme l’industrie métallurgique et les services.
Du côté des ménages, la reprise de la consommation s’est faite à un rythme modéré (autour de 2 % l’an) mais supérieur à la progression du revenu disponible. De fait, le taux d’épargne des ménages s’est érodé de manière substantielle depuis 2010, passant de 10 % à moins de 6 % du revenu disponible au 1er semestre 2017 (cf. graphique ci-contre). Ce niveau relativement faible dans une perspective historique est le révélateur des progrès limités sur le marché du travail. Ce dernier a été marqué par un faible rythme des créations d’emploi associé à une période de modération salariale. De l’autre côté, l’allègement de la fiscalité et le recours à l’endettement ont permis de soutenir les dépenses des ménages sur la première partie d’année 2017. Les crédits à la consommation ont maintenu une croissance de 5 % en rythme annuel sur la période récente. Dans ce contexte, les ménages semblent toutefois faire preuve d’optimisme. En effet, leur indice de confiance se situe à un niveau inédit pour le pays sur fond de meilleur perception sur les opportunités d’emploi. Malgré cet élément, il semble difficile d’anticiper une accélération des dépenses des ménages sans baisse plus significative du taux de chômage (8,6 % de la population active en août 2017) ou d’accroissement des pressions salariales.
De leur côté, les entreprises bénéficient d’un environnement plus propice à l’expansion de l’activité. Les enquêtes de conjoncture font état d’une amélioration des carnets de commande et des dépenses d’investissement. La production industrielle s’est reprise depuis 2016 et affiche une croissance robuste autour de 3% sur un an sur les huit premiers mois de l’année 2017. Dans l’industrie manufacturière, la grande majorité des secteurs participe à ce regain d’activité. Sur la période récente, les industries relatives à la production et transformation du bois et papier (13 % de l’industrie) sont en phase de reprise, tout comme l’industrie automobile, qui profite de nouvelles unités de production. Signé en juin 2016 avec les partenaires sociaux, le pacte de « compétitivité » semble avoir eu un effet sur la compétitivité-coût des entreprises finlandaises. Cette réforme a été articulée autour de quatre points: l’allongement de la durée annuelle du travail de 24h sans compensation salariale, la diminution des cotisations sociales payées par les employeurs, le gel des salaires sur une période de 12 mois et la suppression du bonus de fin d’année dans le secteur public. Les effets de cette réforme ont été visibles dès 2017 avec une réduction du coût salarial unitaire résultant de la hausse de la productivité conjuguée à la stagnation des salaires (cf. graphique ci-contre).
De concert avec une demande mondiale plus dynamique, les secteurs exportateurs ont retrouvé des couleurs. Depuis fin 2016, les exportations de biens ont enregistré une croissance à deux chiffres et le léger excédent commercial en volume s’est légèrement amélioré par rapport à 2016. Le positionnement des exportations finlandaises, principalement sur les biens intermédiaires et d’équipement, rend le pays particulièrement sensible aux évolutions de la demande du reste du monde. Le renforcement de la demande en provenance de la Zone euro, la bonne tenue de l’activité de ses proches voisins scandinaves, ainsi que la stabilisation des exportations avec la Russie ont été autant d’éléments explicatifs de cette performance solide sur le 1er semestre. Bien que toujours déficitaire, la balance des services s’est légèrement améliorée depuis 2017 en raison de flux touristiques plus favorables (cf. graphique ci-contre)
Une croissance bridée par certains freins structurels
Sur le plan structurel, l’économie finlandaise a pleinement bénéficié de la politique monétaire très stimulante de la BCE. L’assouplissement des conditions monétaires a eu pour effet de maintenir la disponibilité du crédit à l’ensemble des agents économiques. La faiblesse des taux d’intérêt a notamment permis aux ménages de s’endetter pour maintenir leur niveau de consommation alors que l’évolution du salaire réel a connu une période de décroissance. L’endettement des ménages en pourcentage du PIB (66 % du PIB en 2016) ou du revenu disponible n’apparaît pas comme un déséquilibre excessif sur une base de comparaison internationale (cf. graphique ci-contre), d’autant que les intérêts payés sur l’encours de dette représentent une part encore relativement faible du revenu grâce à la politique de taux bas. Toutefois, le risque sur la santé financière des ménages pourrait émerger lors de la normalisation des taux de la politique monétaire, puisque plus de 90 % des prêts immobiliers sont à taux variable indexé sur les taux Euribor. Pour sa part, l’encours de crédit des entreprises non financières est globalement stable depuis 2011, en dessous de 70 % du PIB, tandis que les émissions de titres de dette représentent environ 15 % du PIB, un niveau relativement élevé par rapport à certains pays de la Zone euro comme l’Allemagne, et qui illustre le plus fort dynamisme du financement de marché par rapport au financement bancaire depuis 2008-2009. Enfin, l’Etat finlandais reste relativement peu endetté. Le ratio de dette des administrations publiques rapporté au PIB s’établit proche du seuil de Maastricht, à 63 % du PIB en 2016, et devrait se réduire dès 2018 si le cycle conjoncturel positif perdure. L’endettement vis-à-vis du reste du monde, autrement appelé la dette extérieure, a également diminué depuis 2013 sous l’effet d’une réduction de la dépendance des banques finlandaises au financement extérieur, ce qui est un développement positif, auquel l’action de la BCE n’est pas étrangère.
Sur le marché du travail, l’une des problématiques structurelles relevée par les institutions internationales tient au potentiel de croissance bridé par un taux de participation à la population active plutôt faible en comparaison de ses voisins scandinaves, et qui devrait décroître sensiblement d’ici 2030 selon les projections du Bureau international du travail (cf. graphique ci-contre). En effet, l’économie finlandaise devra s’adapter à une structure de population vieillissante, c'est-à-dire à une part croissante de la population âgée de plus de 65 ans. Plusieurs questions restent aussi en suspens à l’aube de l’année 2018. D’une part, les négociations salariales dans le secteur industriel auront lieu en fin d’année et pourraient remettre en cause la période de modération salariale, et donc les gains de compétitivité de l’économie au bénéfice d’un renforcement de la demande domestique. D’autre part, les incertitudes politiques se sont renforcées, depuis juin 2017, avec la scission de la coalition de droite, ce qui a affaibli la majorité du gouvernement au Parlement. Les prochaines élections législatives se tiendront en avril 2019.
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Thomas Foicik