Royaume-Uni : La Banque d’Angleterre réagit au Brexit

Réaction économique
Union Européenne

EN BREF

  • Afin de faire face aux conséquences du Brexit, la Banque d’Angleterre a baissé à l’unanimité son taux directeur à 0,25%, contre 0,50% auparavant, un niveau qui était resté inchangé depuis 2009. 
  • Une majorité de membres s’est prononcée en faveur d’une baisse supplémentaire d’ici la fin d’année. Néanmoins, la borne basse envisagée pour le taux directeur est proche, mais au-dessus de 0%.
  • La baisse de taux s’accompagne d’autres mesures d’assouplissement non conventionnelles : le programme d’achat de titres publics sera augmenté de 60 Mds£ pour atteindre 435 Mds£, un programme d’achat de dette privée pouvant aller jusqu’à 10 Mds£ est introduit, ainsi qu’un nouveau dispositif de financement (Term Funding Scheme, TFS) visant à améliorer la transmission de l’assouplissement monétaire à l’économie réelle.
  • Les perspectives de croissance du PIB ont été révisées de 2,3% à 0,8% pour 2017, tandis que la dépréciation du Sterling pourrait à moyen terme stimuler l’inflation.  

Un changement de régime qui justifie une action de soutien monétaire.

La Banque d’Angleterre (BoE) avait choisi mi-juillet de maintenir le statu quo dans l’attente d’éléments supplémentaires sur l’impact des résultats du référendum. Les données réunies depuis 3 semaines ont convaincu les 9 membres du Comité de la nécessité d’agir massivement. La décision d’abaisser le taux directeur à 0,25%, a été prise à l’unanimité et met fin à 7 ans de statu quo à 0,50%. Sur ce niveau, le premier mouvement de taux directeur a longtemps été envisagé à la hausse par les membres du Comité de Politique Monétaire (CPM). Mais la décision des britanniques de quitter l’Union Européenne lors du référendum du 23 juin 2016 constitue pour la Banque d’Angleterre un changement structurel qui, du fait des incertitudes créées, justifie un desserrement des conditions monétaires. 

UK

La baisse annoncée lors de la réunion d’août pourrait être suivie d’un autre mouvement dans les prochains mois. En effet, la majorité des membres estiment que si les données sont en ligne avec leurs perspectives, une baisse supplémentaire pourrait intervenir d’ici la fin d’année. Pour autant, le Comité précise dans son communiqué que la borne basse sur laquelle pourrait se situer le taux directeur est proche, mais supérieur à 0%. Le Gouverneur Mark Carney a lors de la conférence de presse réitéré son sceptimisme quant à la pratique de taux négatif. Le taux directeur est le taux de rémunération des réserves des banques commerciales auprès de la Banque d’Angleterre. Il constitue l’objectif cible de la BoE pour le taux au jour le jour pratiqué sur le marché monétaire.

Un ensemble de mesures non conventionnelles

Au-delà de la baisse de taux, le CPM a annoncé trois mesures visant à assouplir davantage les conditions monétaires dans un environnement de taux d’ores et déjà bas. Le programme d’achat de titres publics britanniques qui était stabilisé à 375 Mds£ depuis novembre 2012 va être étendu à hauteur de 60 Mds£. Cette progression qui portera le total des achats à 435 Mds£ sera financé par la création de réserves banque centrale, c’est-à-dire par injection de liquidité, et devrait intervenir dans les 6 prochains mois. L’objectif affiché par la Banque d’Angleterre de cette réactivation est de faire baisser davantage les rendements des titre d’Etat et ainsi favoriser le rééquilibrage des portefeuilles vers des actifs plus risqués tels que la dette d’entreprises ou les actions.

Les interventions concerneront également la dette privée avec l’introduction d’un nouveau programme d’achat d’obligations d’entreprise de la catégorie investissement (notation supérieure à BBB-). Ces achats débuteront mi- septembre 2016 pour une période de 18 mois et pourront atteindre jusqu’à 10 Mds£. La BoE avait brièvement procédé à des achats de dette d’entreprise en 2009, mais à échelle très limitée (1,5 Mds£ au maximum). Les titres émis par les banques, les compagnies d’assurance et les sociétés immobilières ne seront pas éligibles. Le CPM estime que la taille du marché de dette potentiellement achetable au titre de ce programme est d’environ 150 Mds£. 

Enfin, la Banque d’Angleterre met en place un nouveau dispositif de financement à terme (Term Funding Scheme, TFS) qui vise à renforcer la transmission de la baisse du taux directeur aux taux d’intérêt auxquels font face les ménages et les entreprises. Les banques et sociétés immobilières pourront emprunter sur 4 ans via ce dispositif d’ici décembre 2017 à un coût égal au taux directeur, auquel s’ajoutera une marge déterminée en fonction de la production de crédit des établissements. Le montant d’emprunt initial pour chaque institution sera équivalent à 5% de leur encours total de crédits aux ménages et aux entreprises. Les établissements qui maintiennent ou augmentent leur production de crédit à l’économie se verront appliquer le coût de financement minimal, c’est-à-dire le taux directeur. En plus du montant initial, les institutions qui auront augmenté leur octroi de crédit entre juin 2016 et décembre 2017 auront la possibilité d’emprunter de nouveau auprès de la Banque d’Angleterre, pour un montant égal à la hausse de leur crédit à l’économie sur la période. Si leur production de prêt décroit, les établissements ayant emprunté via le TFS se verront appliquer un taux de pénalité dans la limite de 0,25% au-dessus du taux directeur. D’après les estimations de la BoE, le dispositif pourrait ainsi fournir près de 100 Mds£ de financement à faible coût.

L’amplitude de la progression de la taille du bilan de la banque d’Angleterre dépendra du succès de ce dernier outil. Mais après 4 ans de stabilité, les injections de liquidité seront significatives et pourraient atteindre jusqu’à 170 Mds£.

Ces mesures sont complétées par des dispositions prises par ailleurs par le Comité de Politique Financière, en charge de la stabilité financière. Cet organe de la BoE a annoncé une réduction des contraintes en capital des banques (prévue en cas de ralentissement), dans le but affiché de ne pas entraver la capacité des banques à prêter à l’économie réelle.

Fortes révisions baissières des perspectives de croissance

Les actions annoncées par la Banque d’Angleterre sont sous-tendues par une forte dégradation des perspectives d’activité suite au référendum. Dans son rapport d’inflation, le Comité de Politique Monétaire envisage une croissance très faible sur le deuxième semestre 2016. Le bon premier semestre permettrait néanmoins d’atteindre une croissance de 2% cette année, soit le même niveau qu’envisagé lors du dernier exercice de prévision de mai dernier. Pour l’année 2017, les perspectives sont nettement plus faibles avec une croissance de 0,8% contre 2,3% précédemment. Il s’agit de la plus forte révision baissière entre deux publications depuis la création du MPC. En 2018, la croissance est envisagée à 1,8%, contre 2,3% pour l’estimation précédente. 

La dépréciation de la Livre Sterling, en amont et aval du référendum, aura un effet haussier sur l’inflation qui pourrait dépasser sa cible de 2% à moyen terme. Ainsi la croissance annuelle des prix à la consommation est estimée à 2,1% fin 2017 et 2,4% fin 2018. Mais dans l’arbitrage que doit conduire le comité, les risques baissiers sur l’activité sont apparus plus marqués et potentiellement dommageables que les risques associés à un rebond de l’inflation, ce qui a justifié la série de mesure annoncée.

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Rédigé par

Sébastien Berthelot le 4 Août 2016

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