Brexit : le Royaume-Uni demande un délai

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Le 12 mars, les députés britanniques ont de nouveau rejeté l’accord de retrait du gouvernement.

Le lendemain, la chambre des Communes a rejeté de manière a priori définitive la possibilité d’une sortie sans accord. Enfin, et pour conclure une semaine décidément bien mouvementée, les députés ont voté pour une extension de l’article 50, c’est-à-dire un décalage de la date de sortie. En revanche, et comme lors des votes précédents, aucune alternative au plan de Theresa May n’a émergé.

A la suite de ces votes, la Première ministre a annoncé la tenue d’un nouveau vote sur l’accord de retrait avant le 20 mars, probablement le 19. Si les députés britanniques votent en faveur du texte, le gouvernement demandera une extension de courte durée à l’Union Européenne (jusqu’en juin), afin de laisser le temps pour la ratification des textes nécessaires à la suite du processus. Si les députés britanniques votent contre, T. May demandera une extension de longue durée, ce qui impliquera la participation du Royaume-Uni aux prochaines élections européennes, qui se tiendront entre le 23 et le 26 mai. En proposant ce choix, le gouvernement britannique soumet les députés conservateurs opposés à son texte à un dilemme : sortir du Royaume-Uni avec l’accord actuel ou prolonger le processus de négociation et participer aux élections européennes, ce qui pourrait mettre en péril l’idée même du Brexit.

Du côté européen, une extension de longue durée ne fait pas l’unanimité et n’apparaît envisageable que si les Britanniques sont en mesure d’apporter des garanties susceptibles de débloquer les négociations : des nouvelles élections, une modification des axes de négociations ou encore la tenue d’un second référendum.

Prochaines étapes du processus de négociation:

Prochaines étapes du processus de négociation

 

Les députés britanniques ont, de nouveau, rejeté l’accord de retrait

« La frange la plus eurosceptique des conservateurs et les unionistes irlandais ont rejeté l’accord de retrait »

Pierre Bossuet

La chambre des Communes a, pour la deuxième fois, voté contre la dernière version de l’accord de retrait présenté par le gouvernement britannique le 12 mars. Bien que la défaite infligée à l’exécutif anglais soit moins importante que la dernière fois (défaite par 391 voix contre 242), elle n’en reste pas moins significative.

Les avancées obtenues par T. May la veille du vote n’auront pas suffi à convaincre la frange la plus eurosceptique de son parti et les alliés du Parti Unioniste Irlandais (DUP). Ces derniers souhaitent que la solution de recours pour la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande dispose d’une clause permettant une sortie unilatérale du Royaume-Uni ou d’une limite de temps. Or, le texte présenté par T. May ne garantit que la mise en place d’un organisme d’arbitrage entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, qui permettrait aux Britanniques de mettre fin à la solution de recours si la « mauvaise foi » (bad faith) des Européens à trouver une solution alternative était avérée.

Le lendemain, le 13 mars, les députés britanniques se sont prononcés pour un rejet définitif de la possibilité d’une sortie sans accord. Le vote de la chambre des Communes devait initialement porter sur un texte présenté par le gouvernement. Ce dernier donnait la possibilité aux députés de se prononcer contre une sortie sans accord mais précisait qu’une sortie sans accord demeurait l’option par défaut si aucune forme d’accord n’était trouvée entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni. Le texte du gouvernement a été amendé par les députés afin qu’il permette à la chambre des Communes d’exprimer une opposition plus définitive à toute sortie sans accord. Le vote de l’amendement a été très serré à 312 voix contre 308. Le texte amendé a pour sa part été adopté par 321 voix contre 278. Seuls 17 députés de la majorité gouvernementale se sont rebellés et ont voté pour.

La chambre des Communes demande un décalage de la date de sortie

« Aucune solution alternative au plan du gouvernement n’a émergée au cours des votes »

Pierre Bossuet

Le 14 mars, les députés britanniques ont procédé à la dernière session de vote de cette semaine très mouvementée et se sont prononcés en faveur d’une extension de l’article 50, c’est-à-dire pour un décalage de la date de sortie, par 413 voix contre 202. La majorité des députés conservateurs s’est prononcée contre cette extension, craignant qu’elle amenuise les chances d’obtenir un accord avec l’Union Européenne à court terme.

Des amendements visant à accroître le contrôle du Parlement sur le cours des négociations ou à mettre en avant une solution alternative ont été proposés mais, comme lors des votes précédents, aucun de ces amendements n’a finalement été sélectionné. Le parti Travailliste, dont le leader, J. Corbyn, avait annoncé soutenir un second référendum, a demandé à ses députés de s’abstenir de voter pour une telle option. Plusieurs députés se sont néanmoins rebellés en votant contre et pourraient être exclus.

L’accord de retrait sera re-soumis à un vote la semaine prochaine

« Un nouveau rejet de l’accord de retrait pourrait impliquer une extension de longue durée de la date de sortie »

Pierre Bossuet

La suite du processus côté britannique a été détaillée par la Première ministre. Cette dernière devrait soumettre l’accord de retrait à un nouveau vote avant le 20 mars, vraisemblablement le 19. Deux choix s’offrent aux députés britanniques. Si les députés approuvent le texte, elle demandera une extension courte (technique) à l’occasion du sommet européen du 21-22 mars. L’extension durerait jusqu’à juin, afin d’éviter la participation du Royaume-Uni aux élections Européennes (ces dernières se déroulent entre le 23 et 26 mai et la première séance plénière du parlement a lieu le 2 juillet). En revanche, si les députés le rejettent, elle demandera une extension longue au Conseil européen, ce qui obligerait le Royaume-Uni à participer aux élections européennes.

En offrant ce choix aux députés, le gouvernement britannique exerce aussi une pression sur les députés conservateurs les plus eurosceptiques. Alors qu’une sortie sans accord est, a priori, exclu, ces derniers devront maintenant choisir entre l’accord de T. May ou un décalage de la date de sortie, une participation aux élections européennes et même potentiellement une remise en cause du processus du Brexit.

L’extension de l’article 50 ne fait pas l’unanimité du côté de l’UE

« Il apparaît difficile de décaler la date de sortie sans inflexion de la stratégie de négociation des Britanniques »

Pierre Bossuet

La volonté de la chambre des Communes d’éviter une sortie sans accord et d’étendre l’article 50 ne suffit pas à en faire une réalité. L’Union Européenne a ainsi rappelé que, à moins que les Britanniques n’annulent le processus de sortie, le Royaume-Uni ne pouvait sortir de l’UE que de deux manières: avec un accord ou sans. Par ailleurs, le décalage de la date de sortie ne semble pas faire l’unanimité des Etats membres (qui est pourtant nécessaire pour que le Conseil Européen valide l’extension).

La demande d’extension sera examinée par les dirigeants européens lors du sommet européen du 21-22 mars. Si les députés votent en faveur de l’accord de retrait la semaine prochaine, il apparaît probable que le Conseil Européen valide une extension de courte durée. Elle serait de nature technique. Elle permettrait aux différents parlements de ratifier les textes nécessaires pour la poursuite du processus et ne nécessiterait pas la participation des Britanniques aux élections.

En revanche, une extension de longue durée, qui obligerait le Royaume-Uni à participer aux élections, apparaît plus problématique. Donald Tusk, Président du Conseil, a déclaré être ouvert à une extension à long terme pour laisser le temps aux Britanniques de « repenser leur stratégie ». On imagine toutefois difficilement l’Union Européenne accorder une extension de longue durée et inclure le Royaume-Uni dans les élections européennes sans que le gouvernement britannique n’offre de garantie sur la suite du processus : de nouvelles élections, la tenue d’un second référendum ou encore une modification des lignes rouges de T. May (par exemple, des relations futures calquées sur le modèle norvégien). Dans tous les cas, un nouveau rejet de l’accord de retrait et une extension de longue durée pourrait remettre en cause la légitimité du gouvernement britannique actuelle à poursuivre les négociations.

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Rédigé par

Pierre Bossuet

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