Brexit : l'histoire sans fin
Après plusieurs mois d’impasse à la chambre des Communes, trois rejets du texte de Theresa May et de nombreux rebondissements, la date de sortie du Royaume-Uni a finalement été décalée à une date ultérieure.
Le Conseil Européen a opté, au terme d’importants débats, pour une extension des négociations jusqu’au 31 octobre. Ni la demande initiale de Theresa May, une extension jusqu’au 30 juin, ni la suggestion de Donald Tusk, une extension de 9 mois voire de un an, n’ont été retenues.
Aucune garantie particulière (second référendum, modification de la ligne de négociation) n’est demandée en échange de ce report, si ce n’est l’obligation de participer aux élections européennes si le Royaume-Uni est encore membre de l’Union Européenne d’ici au 23 mai (date du début du scrutin). Theresa May pourrait donc poursuivre sa stratégie de négociation actuelle et essayer d’obtenir un consensus avec le parti travailliste, ce qui nécessiterait sûrement des concessions importantes de la part de la Première ministre. Celle ci pourrait également tenter, une quatrième fois, de faire adopter par le Parlement britannique la version actuelle de l’accord de retrait : la frange la plus eurosceptique du parti conservateur, jusqu’alors opposée au texte, pourrait être poussée à voter en sa faveur afin d’éviter la participation du Royaume-Uni à la prochaine législature du Parlement Européen
Si ce report permet d’éviter le risque d’une sortie sans accord à court terme, il ne suffira pas à lever le brouillard d’incertitude qui bouche l’horizon des entreprises britanniques depuis plusieurs trimestres. L’investissement des entreprises, en chute l’année dernière, devrait continuer de pâtir de cette absence de visibilité.
« Les décisions d’investissement des entreprises britanniques pourraient encore êtrerepoussées avec le prolongement des inc ertitudes »
La sortie du Royaume-Uni a finalement été décalée
« Le Royaume-Uni pourrait rester dans l’Union Européenne jusqu’au 31 octobre »
Aucun consensus n’aura finalement émergé des nombreux votes et débats qui ont rythmé la vie politique britannique au cours de ces derniers mois. Par trois fois, les députés britanniques ont voté contre l’accord de retrait de Theresa May et, par trois fois, ils ont montré leur incapacité à convenir d’une solution alternative susceptible de réunir une majorité de voix. Seul le rejet de la possibilité d’une sortie sans accord est parvenue à faire consensus au sein de la chambre des Communes
Face à cet échec et à la menace d’une sortie sans accord, la Première ministre a demandé à l’Union Européenne de repousser la date de sortie, prévue alors au 12 avril, au 30 juin 2019. Ce faisant, T. May a également reconnu la nécessité pour le Royaume-Uni de participer aux élections si le pays faisait encore partie de l’Union Européenne d’ici au 23 mai.
Le 10 avril, le Conseil Européen a finalement opté, après d’importants débats, pour une extension jusqu’au 31 octobre. Ni la demande initiale de T. May, jusqu’au 30 juin, ni la suggestion de D. Tusk, une extension de 9 mois voire de un an, n’ont été retenues. C’est donc une solution intermédiaire qui a émergé et qui porte la durée de l’extension à 6 mois. La date du 31 octobre n’a toutefois pas été choisie au hasard puisqu’elle marque la fin de la Commission Européenne actuelle, qui doit théoriquement être remplacée au 1er novembre.
Cette période de transition est considérée comme flexible dans la mesure où le Royaume-Uni pourra décider de quitter l’Union Européenne si le gouvernement parvient à faire valider l’accord de retrait par la chambre des Communes. Theresa May souhaite d’ailleurs pouvoir faire sortir le RoyaumeUni de l’Union Européenne avant le 23 mai, de manière à éviter la tenue des élections européennes.
Durant cette période de transition, le Conseil européen a précisé qu’il attendait du Royaume-Uni une attitude « constructive et responsable ». Cette déclaration, apparemment non contraignante légalement, traduit les inquiétudes d’une partie des dirigeants européens, notamment de la France, qui craint qu’une participation du Royaume-Uni à la prochaine législature européenne n’entraîne un blocage des institutions. Notons que plusieurs députés britanniques eurosceptiques ont annoncé, dans les semaines passées, être prêts à faire obstruction au bon déroulement du processus législatif européen si leur pays participe aux élections européennes. Un sommet intermédiaire se tiendra à partir du 20 juin durant la période de transition, où le Conseil européen fera le point sur les progrès accomplis et sur la position du Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni pourrait être contraint de participer aux élections
« Les élections européennes constituent la prochaine grande échéance dans les négociations du Brexit »
Contrairement à ce qu’avaient pu laisser entendre les dirigeants européens au cours des semaines précédentes, l’extension de 6 mois accordée par l’Union Européenne ne semble pas, du moins sur le papier, s’accompagner de garanties claires de la part du Royaume-Uni. Ni une modification de la posture de négociation britannique, ni un second référendum ou de nouvelles élections n’ont été directement évoqués. Côté européen, les lignes directrices des négociations n’ont pas été modifiées : l’accord de retrait ne peut pas être modifié et seule la déclaration politique sur les relations futures pourra être amendée.
Dès lors, il semblerait que T. May puisse maintenir sa stratégie actuelle, à savoir poursuivre les discussions avec le Parti Travailliste de Jeremy Corbyn, afin d’aboutir à un texte susceptible de réunir une majorité à la chambre des Communes. Les avancées sur ce front semblent pour l’instant limitées. Les demandes de J. Corbyn, résumées dans une lettre envoyée le 6 février dernier, tournent essentiellement autour de la mise en place d’une Union Douanière entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne. Une autre possibilité pour la Première ministre serait d’essayer de faire adopter la version actuelle, déjà rejetée trois fois, en utilisant, pour convaincre les députés conservateurs eurosceptiques, la menace d’une participation aux élections européennes.
A la suite du Conseil européen, T. May a déclaré qu’elle resterait en poste tant que l’accord de retrait n’aura pas été accepté par le Parlement. Elle a toutefois déclaré qu’elle souhaitait que le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne avant le 23 mai, de manière à pouvoir éviter une participation aux élections européennes. La prochaine échéance dans la saga du Brexit devrait donc être celle des élections européennes. Si le parlement parvient à ratifier un accord d’ici au 22 mai, le Royaume-Uni pourra quitter le pays le 1er juin. En revanche, si le blocage actuel persiste, les Britanniques devront présenter des candidats à l’élection parlementaire européenne.
Si le Royaume-Uni refuse de participer aux élections européennes, le pays sortira, sans accord, à la date du 1er juin. En revanche, si le pays y participe, il se pourrait que la Première ministre soit contrainte à démissionner, ce qui se traduirait alors par un nouveau gouvernement ou bien, en l’absence de majorité à la chambre des Communes, par de nouvelles élections générales. Dans tous les cas, la participation du Royaume-Uni aux élections européennes posera également le problème de la répartition des députés entre pays. En la matière, aucune solution claire ne semble, à l’heure actuelle, avoir été dégagée.
L’incertitude demeure pour l’économie britannique
« L’investissement des entreprises devrait continuer d’être affecté par l’incertitude politique »
Si le décalage de la date de sortie écarte le risque d’une sortie sans accord à court terme, il ne suffit pas à lever la brume d’incertitude qui obscurcit l’horizon des entreprises britanniques, et cela d’autant plus que l’extension accordée au Royaume-Uni ne s’accompagne pas d’un changement de la ligne directrice des négociations.
Les questions qui restent en suspens (participation aux élections européennes, potentielles élections ou nouveau gouvernement…) pourraient par ailleurs engendrer une nouvelle augmentation du bruit politique à l’approche des élections européennes. Notons également que la ratification d’un accord de retrait et d’une éventuelle nouvelle déclaration politique sur les relations futures ne sera, a priori, pas suffisante pour résoudre l’épineuse question des services financiers britanniques.
A court terme le report de la date de sortie devrait perturber la dynamique industrielle. Les derniers mois ont entraîné une augmentation des stocks qui, d’après les indicateurs d’enquête, atteindraient un plus haut historique. Si cette accumulation de stock a permis, en partie, de soutenir la production industrielle sur le premier trimestre, elle devrait néanmoins s’accompagner d’un phénomène de déstockage par la suite qui pèsera sur la croissance. Enfin, l’investissement des entreprises, qui a accusé quatre trimestres consécutifs de recul en 2018, devrait continuer de pâtir de l’incertitude politique sur le début de l’année.
Télécharger - Europe : L'histoire sans fin (pdf - 396.63 Ko)Rédigé par
Pierre Bossuet
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