Edito - Décembre 2023
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Copier - Coller
Notre cadre d’analyse souligne, depuis plusieurs années désormais, la montée en puissance et le retour du « politique ». Le domaine de la « durabilité » n’y échappe pas. L’outil de mise en œuvre de cette volonté politique dans l’Union européenne est la réglementation. Épargnons-nous ici la multitude d’acronymes et de concepts qui ont été lancés, au départ comme des initiatives volontaires, et qui se sont rapidement transformées en reportings obligatoires.
Depuis la désormais fameuse COP 21 de 2015, les professionnels de la finance voient se dérouler une mécanique implacable qui vient impacter la façon dont ils exercent leur métier.
Cette mécanique c’est celle du « copier-coller ». Le copier-coller des concepts, pratiques et expérience de la comptabilité et du financier vers l’extra-financier.
L’avantage, si l’on peut dire, c’est sa prédictibilité. La réalité est surtout faite de complexités de mise en œuvre, que les initiateurs des textes et les superviseurs sont bien en peine de solutionner et parfois même d’expliquer.
« Le diable est dans les détails nous dit-on. »
Sous couvert de partir d’un monde connu, donc rassurant, vers un monde non pas inconnu mais moins homogène, les décideurs politiques génèrent une multitude d’écueils dont les acteurs de la finance sont priés de s’accommoder.
Traiter l’extra-financier comme le financier sur tous les plans, sous couvert de rationaliser, a vocation à rassurer et en un mot à se simplifier la vie, surtout quand on contrôle et distribue les bons et mauvais points.
La matière première et l’expression principale de la finance est le chiffre, la donnée. C’est ainsi qu’on exige en miroir de mesurer les concepts extra-financiers comme les empreintes, les alignements, les impacts, même s’il n’y a peu voire pas encore de données existantes publiées et encore moins de références historiques. Or, c’est l’expérience et la pratique qui donne du sens aux chiffres, aux grandeurs.
La copie de l’écosystème financier vers l’extra-financier, apporte son inévitable lot de fournisseurs de données, de besoins en systèmes d’information, de contrôleurs, d’auditeurs etc. Il est ironique de constater que les conseilleurs et certificateurs de ce nouvel écosystème durable en savent souvent moins que les opérationnels des métiers eux-mêmes. Leur principale contribution est d’industrialiser et de déployer le copier-coller pour que tout soit « conforme ».
Ce qui est déjà matériel ce sont les coûts afférents à ce déploiement à grande échelle. Les « bénéfices » quant à eux sont incertains et ne seront probablement pas pour les « payeurs ».
Un autre écueil important entre théorie et pratique est la prévisible perturbation voire négation de certains principes de fonctionnement d’un marché. Sur les marchés financiers, les acteurs sont divers et ont des objectifs et des visions différentes. Dans le domaine de la durabilité au contraire tout le monde est prié d’aller dans la même direction, et de bientôt prendre des décisions de gestion avec de nouvelles contraintes non encore réellement maitrisées. Ainsi des conflits d’objectifs ne manqueront pas tôt ou tard d’apparaître, qu’il faudra arbitrer.
Yannick TATIBOUËT
Directeur Exécutif
Directeur de la Veille Stratégique, des Relations Extérieures, et de la coordination sur la finance durable
Le 8 décembre 2023
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