Environnement économique - Juin 2024

Environnement économique

Temps de lecture : min

La BCE baisse ses taux directeurs, la Fed attend.

Nos perspectives économiques et financières

Dans un monde où les tensions géopolitiques s’intensifient, les Etats-Unis, la Chine et l’Union européenne tentent de renforcer leur souveraineté par le biais de politiques industrielles et commerciales, de dispositifs de contrôle, de règlementations ou encore de facilités d’accès au financement. Ces stratégies nourrissent l’accroissement important de l’endettement des Etats, alimentent les déséquilibres inflationnistes et modifient les flux du commerce international. Elles se traduisent par des différences de performances notables entre économies et exigent une adaptation des modèles des entreprises. En l’absence d’un organe multilatéral de conciliation opérant, ces distorsions de concurrence provoquent des mesures de rétorsions compensatoires. Un schéma d’escalade qui pourrait accélérer le Multi-régionalisme. Les Banques Centrales ont des marges de manœuvre contraintes, la matérialisation d’un risque financier ou politique pourrait les forcer à intervenir.

Evènement rare, la Banque Centrale Européenne a baissé ses taux directeurs en juin, alors que la Fed laissait sa politique monétaire inchangée. Des deux côtés de l’Atlantique, toutefois, les banquiers centraux se veulent très prudents sur les perspectives d’inflation et sur leur possibilité de baisser leurs taux directeurs ces prochains mois. Dans la zone euro, le risque politique a fait un brutal retour. Le premier tour des élections législatives anticipées en France, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, confirme l’ascension du Rassemblement National. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 1,24% sur le mois contre le dollar à 1,0713. Le prix du baril de Brent a bondi de 5,9% par rapport au mois précédent, à 86,41$. 

Le comité de politique monétaire (FOMC) a laissé son taux directeur inchangé à [5,25% ; 5,50%] lors de la réunion de juin et répété sa volonté d’être patient, afin de s’assurer que l’inflation est sur la bonne voie. Après avoir marqué le pas en avril, la consommation des ménages s’est reprise en mai, malgré une confiance des ménages toujours faible. En revanche, le marché immobilier résidentiel semble ralentir. Les indicateurs d’activité industrielle restent partagés, avec une dégradation des résultats d’enquêtes mais un rebond de la production manufacturière en mai. Mais la croissance reste soutenue par le secteur des services. L’inflation sous-jacente a encore reculé de 0,2 point en mai à 3,4%, notamment grâce à la modération des prix des services. L’inflation totale a aussi légèrement diminué, à 3,3%, mais elle reste plus élevée qu’en début d’année. La poursuite de cette tendance pourrait infléchir le discours des banquiers centraux américains, que les « mauvaises surprises » du premier trimestre ont amené à douter d’un retour proche de l’inflation vers leur objectif de moyen terme (2%).

EuropeAu Royaume-Uni, après le rebond du premier trimestre, l’activité s’est stabilisée au début du deuxième trimestre. Les résultats des enquêtes de conjoncture confirment la modération de l’activité tout au long du deuxième trimestre, alors que les ventes au détail ont rechuté en avril. L’inflation est revenue à 2,0% en mai, grâce à la baisse des prix de l’énergie. Bien qu’également en recul, l’inflation sous-jacente reste plus élevée, à 3,2%. Soutenus par une dynamique salariale encore forte, les prix des services progressent toujours plus vite (+5,7% sur un an) que l’espèrent les banquiers centraux. Le Comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre a par conséquent laissé son taux directeur inchangé lors de sa réunion du mois de juin et il reste ambigu quant au calendrier d’une éventuelle détente de sa politique. Les élections générales anticipées se tiendront le 4 juillet 2024 au Royaume-Uni.

En zone euro, la Banque centrale européenne a baissé ses taux directeurs de 25 points de base en juin. Mais, alors que les prix des biens et services à faible contenu en importations restent dynamique, elle veut éviter que les investisseurs anticipent une détente rapide de sa politique monétaire ses prochains mois. Les membres du Conseil des gouverneurs s’inquiètent aussi d’une progression toujours vive des salaires dans la zone euro. Malgré une légère dégradation en juin, les résultats des enquêtes continuent à plaider pour une légère amélioration de la conjoncture économique en zone euro. Les résultats des élections au Parlement européen ne devrait pas bouleverser la politique de la zone euro. En France, après le premier tour des élections législatives anticipées, l’incertitude restait forte sur la composition de la future Assemblée nationale, après le second tour qui se tiendra le 7 juillet. Par ailleurs, l’UE a annoncé que son enquête sur le subventionnement de la filière chinoise des véhicules électrique (VE) la conduisait à instaurer des droits de douane compensatoire pouvant aller jusqu’à 38% sur les VE importés de Chine.

AsieEn Chine, les statistiques du mois de mai confirment un ralentissement de l’activité, avec une croissance moindre de la production industrielle et des investissements. En revanche, les ventes au détail ont accéléré par rapport au mois précédent. L’inflation est restée stable en mai, à 0,3% sur un an, alors que le recul des prix à la production devient moins vif. En avril, la combinaison d’une accélération importante des exportations et d’un net ralentissement des importations a débouché sur une forte augmentation de l’excédent commercial chinois. En réponse à l’annonce de la Commission européenne d’instauration de droits de douanes supplémentaires de véhicules électriques importés de Chine, les autorités chinoises ont lancé une enquête sur un éventuel subventionnement de la production de viande de porc européenne qui aboutirait à la constitution de capacités excédentaires.

La Banque du Japon a laissé son taux directeur inchangé en juin. Mais elle a annoncé que ses achats nets de titres vont diminuer après la réunion de juillet de son Comité de politique monétaire. Les salaires et les prix à la consommation ont accéléré en mai, sous l’effet d’une forte augmentation des tarifs de l’électricité dans le cas des prix à la consommation. Les résultats d’enquêtes indiquent que l’activité a brutalement reculé dans les services en juin. Mais ils montrent que le redressement amorcé le mois précédent s’est poursuivi dans le secteur manufacturier.

Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China. 

Rédigé par

Jean-Louis MOURIER, 
Économiste 
Le 2 juillet 2024