Environnement économique - Mai 2024
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Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de mai 2024 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie.
Nos perspectives économiques et financières
La remise en question croissante de la gouvernance internationale actuelle se traduit par l’élargissement de groupements d’intérêt (BRICS+, OPEP+) aspirant à représenter une alternative au modèle occidental. Cette tendance contribue à alimenter de multiples tensions géopolitiques dont une des traductions est la persistance de pressions inflationnistes structurelles. Cet environnement représente un défi pour les entreprises qui sont déjà affectées par des conditions de financements moins favorables, des contraintes de chaînes de production et des distorsions de concurrence multiples. Alors que la fragilité de certains acteurs alerte sur un risque systémique, les marges de manœuvre des banques centrales apparaissent limitées par une inflation structurellement plus élevée.
La différence de discours entre les banques centrales européenne et américaine s’est consolidée au mois de mai. Malgré des évolutions moins défavorables, les banquiers centraux américains se veulent très prudents sur les perspectives d’inflation et sur leur possibilité de baisser leur taux directeur. En Europe, les membres du Conseil des Gouverneurs ont confirmé leur intention d’une première détente en juin, même s’ils se veulent plus prudents sur la suite. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 1,25% sur le mois contre le dollar à 1,0852. Le prix du baril de Brent a chuté de 7,1% par rapport au mois précédent, à 81,62$.
Aux États-Unis, les signes de modération du dynamisme de l’activité se multiplient. Les statistiques du mois d’avril, comme les premiers résultats d’enquêtes de conjoncture du mois de mai plaident pour une croissance moins soutenue au deuxième trimestre : la consommation des ménages se modère et l’activité industrielle ralentit. Parallèlement, les indicateurs du marché du travail montrent une diminution des tensions (moindres créations d’emplois, baisse du nombre de postes à pourvoir, tendance haussière du taux de chômage et ralentissement des salaires). Dans ce contexte, l’inflation sous-jacente a reculé de 0,2 point en avril à 3,6%, un plus bas de trois ans. L’inflation totale a aussi légèrement diminué, à 3,4%, sans annuler les hausses des deux mois précédents. Néanmoins, échaudés par les « mauvaises surprises » des mois précédents, les banquiers centraux américains doutent ouvertement d’un retour proche à une inflation compatible avec leur objectif de moyen terme (2%). Ils se montrent par conséquent peu pressés de baisser leur taux directeur. Sur le plan commercial, l’administration Biden a annoncé de forts relèvements des droits de douane sur un ensemble de biens liés à la transition énergétique importés de Chine. Parmi eux, les véhicules électriques chinois subiront une taxe de 100% à leur entrée sur le territoire. Les Etats-Unis ont aussi annoncé des sanctions envers des entreprises chinoises accusées de fournir un support matériel à la Russie dans le cadre de sa guerre contre l’Ukraine.
Au Royaume-Uni, l’activité a rebondi au premier trimestre, avec une croissance trimestrielle de 0,6% du PIB, après deux contractions consécutives. Les résultats des enquêtes de conjoncture montrent la poursuite d’une progression modérée de l’activité en avril et mai, alors que les ventes au détail ont rechuté en avril. La baisse de l’inflation se poursuit, mais les salaires restent dynamiques, entretenant une progression toujours soutenue des prix des services. La Banque d’Angleterre, qui a laissé son taux directeur inchangé lors de la réunion de son Comité de politique monétaire du mois de mai, reste ambiguë quant au calendrier d’une éventuelle détente de sa politique. Le Premier ministre a annoncé que les élections générales se tiendront le 4 juillet 2024 au Royaume-Uni.
En zone euro, la Banque centrale européenne entretient la possibilité d’une baisse de taux en juin. Le rebond de l’inflation en mai, à 2,6% contre 2,4% en avril, et l’accélération de l’indicateur (calculé par la BCE) des salaires négociés dans la zone euro au premier trimestre ne semblent pas remettre en question la volonté des banquiers centraux de procéder à une première baisse des taux directeurs européens. En revanche, les appels à la prudence des membres du Conseil des gouverneurs de la BCE se multiplient pour les prochains mois. De leur côté, les résultats des enquêtes continuent à plaider pour une légère amélioration de la conjoncture économique en zone euro : l’accélération de l’activité resterait modérée, mais le pire serait passé. Par ailleurs, l’agence de notation S&P Global Ratings a abaissé d’un cran la note de la dette à long terme de la France, à AA-, perspective stable.
En Chine, l’activité semble ralentir. C’est le message envoyé par les résultats d’enquêtes de conjoncture. Les statistiques du mois d’avril sont plus nuancées, avec un nouveau ralentissement des ventes au détail, mais une accélération de l’activité industrielle. Les prix à la consommation ne baissent plus. Leur rythme de hausse a un peu augmenté en avril, mais il reste faible, à 0,3% sur un an. Les tensions commerciales continuent à augmenter avec les Etats-Unis et avec l’Europe, malgré une visite de Xi Jinping à plusieurs Etats membres de l’Union européenne. Par ailleurs, sur le plan géopolitique, la Chine a mis en scène son « amitié » avec la Russie, notamment à l’occasion de la réception de Vladimir Poutine par le président chinois.
La Banque du Japon reste prudente sur les perspectives d’évolution de sa politique monétaire. Alors que les salaires et les prix à la consommation ont ralenti en avril, les banquiers centraux maintiennent leur discours sur la fin de la période de déflation. Il est vrai que, malgré sa baisse ces derniers mois, l’inflation reste au-dessus de la cible de la banque centrale (2,5% contre 2,0%). Si les résultats d’enquêtes décrivent toujours une activité plus dynamique dans les services, ils montrent une amorce de redressement dans le secteur manufacturier en mai.
Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Jean-Louis MOURIER,
Économiste
Le 3 juin 2024