"Le regard du gérant" - Les ambitions contrariées de l’Europe en matière de semiconducteurs
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Dans nos Perspectives Economiques et Financières, nous présentons un monde où le Politique cherche à reprendre la main dans un contexte de plus forte
régionalisation.
Ce mouvement observé dans de nombreux domaines sera d’autant plus crucial pour un secteur comme les semiconducteurs qui est au croisement de nombreuses mutations technologiques, par exemple l’intelligence artificielle, l’électrification, l’automatisation.
L’Europe a vu sa part dans la production mondiale de semiconducteurs chuter à environ 10% aujourd'hui, contre près de 45% au début des années 1990. Cette baisse est due à des fermetures de capacités en Europe ainsi qu’à la montée de la concurrence asiatique qui domine désormais le marché avec environ 75% des volumes mondiaux. Les pays d’Asie ont été les premiers bénéficiaires de la mondialisation et ont attiré au fil des années une part croissante de la production grâce à leur main-d'œuvre abondante, bien formée et souvent moins coûteuse, par des investissements massifs en équipements et R&D, et par la création de chaînes d’approvisionnement intégrées. La pénurie mondiale de semiconducteurs constatée entre 2020 et 2023, a mis en exergue la vulnérabilité de l'Europe face à cette dépendance. Pour répondre à la demande croissante et renforcer sa position, l'Union européenne a annoncé en 2022 le « European Chips Act », un plan visant à porter la part de la production européenne de puces à 20% d'ici à 2030. Ce plan prévoit un investissement de 43 milliards d'euros dans la construction d'usines et dans la R&D. A sa suite, plusieurs projets ont été annoncés par les principaux acteurs du secteur (TSMC et Infineon en Allemagne).
En avril 2025, un rapport spécial de la Cour des comptes européenne vient poser un éclairage sans concession sur les fruits du « European Chips Act ». L’instance qualifie l'objectif de l'UE de couvrir 20% de la production mondiale de puces d'ici 2030 d’« improbable ». Elle mentionne que « la capacité de production de l’UE devrait quasiment quadrupler d’ici à 2030, ce qui est pour le moins ambitieux » et que « la mise en œuvre du Chips Act progresse, mais trop lentement ». Ces commentaires font écho aux limites que nous mettons en avant dans nos Perspectives Economiques et Financières sur le sujet: pénurie de main d’œuvre qualifiée, dépendance aux importations de matières premières, coûts élevés de l’énergie et problèmes environnementaux. Le rapport cite un objectif de 11,7% comme étant plus réaliste. Reflet (entre autres) de ces éléments, plusieurs projets importants ont été suspendus (Intel en Allemagne) ou sont désormais incertains (GlobalFoundries en France). Ces dernières années, l’Europe tente de réduire ses dépendances par l’annonce de plans ayant pour but de stimuler l’investissement. Toutefois, force est de constater que les retards accumulés ont un impact sur le temps long, en particulier dans des secteurs de pointe tels que les semiconducteurs.
Rédigé par

François-Xavier de GOURCY
Gérant Mandats Actions Europe