Le projet de budget italien pour l’année 2019
Arrivée au pouvoir début juin, la coalition de gouvernement entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S), a dévoilé jeudi soir les premières orientations de son projet de budget pour l’année 2019.
Un assouplissement budgétaire plus que symbolique
Depuis la constitution de ce gouvernement, les incertitudes se sont accentuées autour des intentions de politique économique après une campagne peu avare en coûteuses promesses électorales de la part des deux partis politiques. C’est finalement une ligne plus dépensière, incarnée par les deux chefs de file Luigi di Maio et Matteo Salvini, qui l’a emporté au risque de marginaliser la position plus conservatrice du ministre des finances Giovanni Tria et de renforcer la défiance à l’égard des instances européennes. Ainsi, la coalition s’est mise d’accord pour une accentuation du déficit public à 2,4% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2019. Cela correspond à une révision haussière à la fois par rapport à la trajectoire du précédent gouvernement (0,8% du PIB) mais aussi au regard du déficit public anticipé pour cette année (autour de 1,8% du PIB).
Sur la base des premiers éléments à notre disposition, le plan budgétaire prévoit un accroissement significatif des dépenses courantes sur l’année 2019. La mesure phare du M5S a été retenue, à savoir l’instauration d’un revenu minimum universel de 780€/mois à destination des ménages les plus précaires, dont le coût annuel est estimé à 10Md€. Un retour en arrière sur la précédente réforme des retraites est également au programme avec un abaissement de l’âge de départ à la retraite qui devrait concerner environ 400 000 personnes l’année prochaine. En lieu et place d’un choc fiscal de grande ampleur, la coalition semble avoir retenu un allègement de la fiscalité ciblée sur les petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants. La feuille de route budgétaire fait mention de nouvelles dépenses d’investissement public et de la création d’un fonds d’indemnisation de 1,5Md€ pour les épargnants touchés par les faillites bancaires. Enfin, le relèvement de la TVA a été écarté par la coalition tandis qu’une amnistie fiscale et une réforme des agences pour l’emploi sont sur la table.
Dans le cadre du semestre européen, l’Italie est assujettie au volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) qui l’astreint à une amélioration du solde budgétaire structurel, c’est-à-dire tenant compte du cycle économique et d’impacts transitoires (politique migratoire, catastrophe naturelle, etc.), de l’ordre de 0,5% du PIB chaque année. Avec une dette publique autour de 133% du PIB en 2017, excédant nettement la valeur de référence du traité de Maastricht (60%), l’Italie se doit aussi de respecter une trajectoire descendante de l’endettement public. C’est sur la base de ces deux critères que l’évaluation de la Commission européenne portera à partir de la mi-octobre. Si la Commission estime qu’il existe un risque sérieux de non-respect des engagements budgétaires, elle peut, dans un premier temps, se rapprocher du gouvernement italien pour consultation puis, dans le cas de figure le plus défavorable, émettre un avis négatif ouvrant la voie à une procédure de déficit excessif et éventuellement des sanctions à l’encontre de l’Etat membre.
D’un point de vue purement quantitatif, les cibles budgétaires annoncées ainsi que la composition des nouvelles dépenses sont de nature à susciter des tensions avec les institutions européennes. Le critère d’amélioration du solde budgétaire structurel ne sera a priori pas respecté même dans le cas de figure où toutes les marges de flexibilité sont accordées au gouvernement italien. D’après nos calculs préliminaires, la dérive des comptes publics serait proche de 0,7% du PIB en 2019 et de 0,5% en termes structurel. Cela correspond à un différentiel de près d’un point de pourcentage du PIB (environ 17Md€) avec les exigences de Bruxelles. Du côté de l’endettement, les annonces d’hier soir amenuisent fortement la probabilité d’une réduction du ratio de dette publique sur PIB en 2019. Selon ces deux critères génériques, le projet de budget italien est en l’état hors des clous des règles budgétaires européennes.
Toutefois, plusieurs interrogations restent en suspens après les annonces d’hier. La première concerne le manque de visibilité sur les hypothèses de croissance et d’inflation qui sous-tendent cette esquisse budgétaire. La seconde porte sur la trajectoire de déficit public au-delà de l’année 2019 qui sera déterminante pour évaluer l’ampleur de la dérive budgétaire sur un horizon temporel plus large. La troisième est relative aux amendements législatifs qui pourraient être apportés par les parlementaires italiens d’ici le vote du budget avant la fin du mois de décembre.
La réaction des marchés financiers après ces annonces
La réaction des marchés sur les taux italiens a été immédiate et sanctionne le niveau de déficit public proposé par la coalition de gouvernement.
En milieu de matinée, le taux de référence à 10 ans est en hausse de 25 points de base (pb) à 3.13%. A ce stade, ce rendement évolue encore dans l’intervalle de fluctuation en vigueur depuis le mois de mai dernier (2,50% – 3,25%) mais se rapproche de sa borne haute.
On note, de plus, que l’écart de rendement par rapport à la dette allemande, sur la maturité 10 ans, se creuse d’une trentaine de point de base, à 265 pb, mais demeure là aussi en deçà de la borne haute de 290 pb, touchée au mois d’août.
Un des développements importants à suivre au cours des prochaines semaines va concerner la réaction des agences de notation.
Rappelons que les agences notent déjà la dette souveraine italienne, dans la catégorie BBB intermédiaire : Moody’s attribue la note Baa2 assortie d’une surveillance négative alors que S&P et Fitch notent l’Italie BBB avec une perspective stable (S&P) et négative (Fitch).
Le risque après les annonces d’hier est de voir la notation de l’Italie se rapprocher encore davantage du bas de la catégorie investissement et de déclencher, par là même, des ventes de la part de certains investisseurs. La décision de Moody’s est attendue au plus tard, fin octobre, une fois connu le projet de budget complet et sa présentation à la Commission européenne, le 15 octobre.
Pour compléter, le panorama sur le marché de taux, on note l’absence de phénomènes de contagion aux autres dettes des pays du sud. Les taux 10 ans espagnols et portugais progressent de respectivement 1 et 2 pb à 1,50% et 1,88%.
Rappelons que ce risque politique européen était clairement identifié par Covéa Finance. Les fourchettes de prévision de rendement à 10 ans avaient été revues à la hausse de 60 pb, lors de nos dernières Perspectives Economiques et Financières du mois de juin, pour s’établir à [2,30%-3,30%] et nous évoquions également un scénario encore plus défavorable pour la dette italienne et une fourchette de [3,50%-4,50%].
Au niveau des marchés actions européens, le projet de budget 2019 annoncé hier pour l’Italie pèse sur le secteur bancaire européen. Parmi les dix plus fortes baisses de l’indice MSCI EMU (Union Economique et Monétaire), on retrouve huit valeurs financières. Les banques italiennes ferment la marche avec des replis respectifs de près de 7% pour Intesa Sanpaolo Spa et pour Unicredito Spa.
Le projet de budget italien pour l’année 2019 - 28/09/2018 (pdf - 754.67 Ko)Rédigé par
Thomas FOICIK, Valérie MAILLARD, Eric Le COZ
Equipes de Recherche Macroéconomique et de Gestion de Covéa Finance
Achevé de rédiger le 28/09/2018
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