Environnement économique - Mars 2022

Environnement économique

Temps de lecture : min

Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de mars 2022 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie

Nos perspectives économiques et financières

Si l’économie mondiale a bel et bien enregistré un rebond, en particulier dans les pays développés, celui-ci n’a pas permis, loin de là, d’atteindre la richesse qui aurait été créée sans la pandémie. De plus, ce rebond est insuffisamment lié à des investissements productifs. Les goulets d’étranglement qui en découlent ont mené à l’amplification des tensions inflationnistes. La guerre en Ukraine va probablement favoriser l’accélération et la diffusion de l’inflation et maintenir une croissance sous contrainte de capacités à produire. Après la pandémie, cet épisode rappelle de nouveau l’épineuse question de la dépendance des pays européens à certains éléments stratégiques (énergie, métaux). La nécessité de la relocalisation des filières critiques et la volonté affichée de certains gouvernements de relancer les budgets militaires ont des conséquences : une inflation durable et une hausse supplémentaire de l’endettement qui devra être financée.

 

Les retombées économiques et géopolitiques de la crise russo-ukrainienne ont continué d’occuper le devant de la scène en mars. La poursuite du conflit a abouti à de nouvelles sanctions de la part de l’Occident et de ses alliés, notamment sur le plan du commerce. De nouvelles restrictions sur les exportations à destination de la Russie ont ainsi été annoncées.  Les États-Unis et le Royaume-Uni ont par ailleurs annoncé un arrêt des importations de pétrole russes. La Commission européenne a, de son côté, présenté un plan visant à réduire drastiquement la dépendance de l’Union européenne aux importations de combustibles russes. Les conséquences du conflit russo-ukrainien ne se limitent toutefois pas aux prix de l’énergie. Le rôle central des deux pays dans l’approvisionnement mondial de matières premières agricoles et de matières premières critiques fait peser des risques sur l’ensemble des chaînes de valeur mondiales. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 0,88% et termine le mois à 1,110 dollars pour un euro. Le prix du baril de Brent a augmenté de 6,85% sur le mois, pour atteindre 107,91$.

 

picto EUAux États-Unis, les données publiées sur le mois décrivent toujours une activité bien orientée et des pressions inflationnistes accrues, qui poussent la Réserve fédérale à adopter une posture résolument plus restrictive. Les créations de postes sont restées robustes en février. L’emploi demeure en retrait de 1,4% relativement au niveau d’avant-crise, mais les signaux de tensions sur le marché du travail sont multiples (difficultés de recrutement, accélération des salaires). Concernant les prix à la consommation, les tensions ont continué de se renforcer. L’inflation s’est établie à 7,9% en février en glissement annuel et atteint un nouveau point haut en 40 ans alors que les effets de la crise géopolitique sur l’inflation prennent le relais des effets de la crise pandémique. L’accélération des prix ne se limite pas à l’énergie et continue de se diffuser à l’ensemble de l’économie. Dans ce contexte, la Réserve fédérale a initié comme attendu son cycle de resserrement monétaire par une hausse de 25 points de base de son taux directeur, le portant à [0,25% ; 0,50%]. Au-delà de ce premier mouvement, le rythme de resserrement projeté dans les prochains mois est résolument agressif. Le FOMC envisage en effet d’augmenter son taux directeur à l’occasion de chacune de ses réunions en 2022. L’envolée des prix des matières premières consécutives à l’invasion de l’Ukraine par la Russie semble pour le moment avoir un effet limité sur la confiance des entreprises. Les indicateurs d’enquête font ainsi part d’un certain rebond de l’activité en mars, consécutif à l’amélioration des conditions sanitaires. Les tensions sur les prix et les problématiques d’approvisionnement demeurent par contre toujours significatives.

 

picto europeAu Royaume-Uni, les tensions sur les prix restent très importantes. L’inflation a poursuivi son accélération en février pour atteindre 6,2%, son niveau le plus haut depuis 30 ans. La croissance des prix de l’énergie reste très élevée, mais on note également une diffusion des tensions inflationnistes, avec une inflation sous-jacente qui s’établit à 5,2%. Du côté du marché du travail, le taux de chômage est resté stable sur un niveau bas tandis que la progression des salaires reste forte. Dans ce contexte, la Banque d’Angleterre (BoE) a procédé à une nouvelle hausse de 25 points de base de son taux directeur, le portant ainsi à 0,75%. La BoE fait toutefois preuve de plus de prudence dans sa communication eu égard aux incertitudes liées à la crise russo-ukrainienne et aux pressions baissières sur les revenus des ménages.

En Zone euro, la crise russo-ukrainienne est venue rappeler avec fracas la dépendance de l’Europe aux importations énergétiques en provenance de Russie et risque d’amplifier et de diffuser une inflation déjà historiquement élevée (à 5,8% en février). Face à la hausse des prix, la Banque centrale européenne a finalement décidé de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire en réduisant plus rapidement que prévu ses achats d’actifs et en laissant la porte ouverte à une hausse de taux en fin d’année. Le conseil des gouverneurs s’est toutefois laissé un maximum de flexibilité dans la conduite de sa politique monétaire, notamment au regard du conflit russo-ukrainien et du risque de stagflation. En effet, le choc sur l’activité liée à la réduction du revenu des ménages et à l’augmentation du coût des intrants pose la question d’un risque de stagflation. La confiance des ménages et, dans une moindre mesure, celle des distributeurs ont ainsi reculé très fortement en mars. Au niveau budgétaire, les gouvernements des pays de la Zone euro ont multiplié les mesures destinées à réduire les effets néfastes de la hausse des prix. Enfin, la Commission européenne a proposé un plan, intitulé RePower EU, visant à réduire rapidement la dépendance aux importations russes.

 

picto asieEn Chine, le mois a été marqué par la poursuite de la dégradation de la situation sanitaire, ce qui a amené les autorités à imposer de nouvelles restrictions d’envergure. Les données d'activité pour les mois de janvier et février ont été de bonne facture, avec une progression plus importante qu’attendu des ventes au détail et de la production industrielle. Les indices de climat des affaires indiquent toutefois une contraction de l’activité en mars alors que l’économie continue de souffrir des ajustements réglementaires et des conséquences de la pandémie. Dans ce contexte, le gouvernement chinois a présenté plusieurs mesures budgétaires d’ampleur (notamment des mesures fiscales) visant à soutenir la croissance. La cible de croissance du gouvernement pour 2022 n’en demeure pas moins, à 5,5%, la plus faible depuis 1991. Au niveau monétaire, la Banque Populaire de Chine a maintenu le statu quo mais de nouvelles mesures d’assouplissement sont attendues. Au Japon, l’économie reste en sous-régime en février. Les pressions inflationnistes liées à la crise en Ukraine et aux problématiques d’approvisionnement, bien qu’encore limitées, poussent le gouvernement à envisager un nouveau plan budgétaire d’ampleur qui comprendrait notamment un abaissement des taxes sur les carburants. De son côté, la Banque du Japon (BoJ) a annoncé une intervention « illimitée » sur les marchés obligataires dans le cadre de sa politique de contrôle des taux.

 

Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, Markit, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.

Rédigé par

Pierre BOSSUET 
Analyste économique

Le 4 avril 2022