Environnement économique - octobre 2025
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Volatilité des relations sino-américaines
Nos perspectives économiques et financières
Aux États-Unis, la nouvelle administration s’inscrit dans la continuité des précédentes, avec la volonté de défendre et asseoir les avantages compétitifs du pays et à en réduire les vulnérabilités dans un monde où son leadership est désormais contesté par la Chine. Cette politique américaine privilégie des approches bilatérales confirmant la volonté de réorganiser les échanges mondiaux sur une base plus régionale. Un mode de fonctionnement qui se généralise dans le cadre d’un multi régionalisme plus affirmé. En Europe, l’Allemagne a annoncé des réformes budgétaires historiques et un plan d’investissement important pour répondre aux défis structurels auxquels son économie est confrontée. L’ampleur des effets des plans allemand et européen sur l’activité de l’UE fait face aux défis de leur mise en place et à la compétition d’accès aux financements, enjeu de rivalité majeur à l’intérieur de la zone. Ce contexte alimente les facteurs structurels inflationnistes que nous décrivons. Cependant, nous restons vigilants sur les effets des droits de douane américains sur la dynamique de l’activité mondiale et ses effets sur l’inflation.
Le mois a d’abord été marqué par un regain de tension entre les États-Unis et la Chine, qui s’est finalement soldé par un accord en fin de mois prévoyant la suspension des restrictions d’exportations de terres rares chinoises vers les États-Unis et la diminution des droits de douane américains sur les produits chinois. Par ailleurs, aux États-Unis, l’absence d’accord sur le budget entre les démocrates et les républicains a conduit à une fermeture partielle du gouvernement fédéral. En conséquence, la publication de nombreuses statistiques économiques est suspendue. Du côté des banques centrales, la Réserve fédérale (Fed) a poursuivi l’assouplissement de sa politique monétaire tandis que la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du Japon (BoJ) ont opté pour le statu quo. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 1,59% sur le mois contre le dollar, à 1,1554. Le prix du baril de Brent a baissé de 2,91% par rapport au mois précédent, à 65,07$.
Aux États-Unis, l’impasse des discussions budgétaires entre les démocrates et les républicains a entraîné une fermeture partielle du gouvernement fédéral (« government shutdown ») à compter du 1er octobre. Outre les impacts économiques (notamment liés au chômage technique des agents fédéraux), la publication de nombreuses statistiques officielles a été interrompue en octobre. Les chiffres d’inflation ont tout de même été publiés (avec du retard) et confirment le maintien de pressions haussières sur les prix. La croissance des prix a légèrement accéléré en septembre à 3,0% (après 2,9% en août), sans toutefois que l’on relève d’emballement des prix liés à la hausse des droits de douane. Dans ce contexte, la Fed a abaissé sa fourchette cible de taux directeurs de 25 points de base (pb) à [3,75% - 4,00%], mais les dissensions se sont renforcées. Selon J. Powell, une nouvelle baisse de taux lors de la prochaine réunion est loin d’être acquise, notamment si le « shutdown » (et l’absence de statistiques économiques qui en découle) se poursuit. La Fed a par ailleurs annoncé la fin de sa politique de diminution de son bilan. Du côté de la politique commerciale, le Président Trump a rencontré de nombreux dirigeants asiatiques à la fin du mois, et plusieurs accords ont été annoncés ou précisés, notamment avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud. En revanche, D. Trump a interrompu les négociations commerciales avec le Canada et a annoncé 10% de droits de douane supplémentaires sur les importations en provenance de son voisin nord-américain.
Au Royaume-Uni, l’inflation s’est établie sous les attentes en septembre. En effet, la Banque d’Angleterre (BoE) s'attendait à une accélération des prix à 4,0%, finalement l'inflation est restée stable à 3,8%. Elle demeure ainsi élevée, sans signe de modération. Des signaux favorables émergent néanmoins de l’enquête PMI du mois d’octobre, qui signale une atténuation des pressions inflationnistes. Par ailleurs, l’enquête indique une légère accélération de l’activité britannique en octobre, portée par la reprise de la production manufacturière.
En zone euro, la croissance du PIB au troisième trimestre illustre une certaine résistance de l’économie à l’incertitude et un impact pour le moment modéré des droits de douane américains. Après avoir progressé de 0,1% au printemps, le PIB de la zone euro a crû de 0,2% au troisième trimestre. Parmi les grands pays européens, l’Espagne (+0,6% en glissement trimestriel) et la France (+0,5%) enregistrent une croissance relativement solide, tandis que les économies allemande et italienne ont stagné. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (BCE) a maintenu inchangés ses taux directeurs pour la troisième fois consécutive et estime que le niveau d’inflation reste compatible avec l’objectif de 2%. En effet, la croissance des prix en zone euro a légèrement ralenti en septembre à 2,1% tandis que l’inflation sous-jacente est restée stable à 2,4%. Sur le plan politique, l’incertitude s’est renforcée en France après la démission de S. Lecornu du poste de Premier ministre, quelques heures seulement après la nomination de son gouvernement. Le Président E. Macron l’a finalement reconduit à Matignon, et le gouvernement Lecornu II a pu déposer son projet de budget au Parlement. Alors que les risques de censure ne peuvent pas être écartés et que les partis politiques peinent à s’accorder sur le budget 2026, les agences de notation ont de nouveau dégradé la note de la France. S&P a abaissé la note de la France à A+ (avec perspectives stables), plusieurs semaines avant le calendrier officiel puisque sa décision était attendue fin novembre. De son côté, Moody’s a maintenu la note à Aa3 mais la perspective a été abaissée de stable à négative.
En Chine, la croissance est en ralentissement au troisième trimestre, à 4,8% en glissement annuel après 5,2% et 5,4% respectivement au deuxième et au premier trimestre. Les données d’activité du mois de septembre confirment que le déséquilibre entre offre et demande persiste. En effet, la consommation continue de ralentir, tandis que la production industrielle accélère. En revanche, l’investissement poursuit son déclin alors que le secteur immobilier continue de représenter un frein majeur à la croissance. Au Japon, Sanae Takaichi est devenue la première femme à diriger le pays. La nouvelle Première ministre est connue pour son soutien aux « Abenomics » (mesures popularisées par l’ancien Premier ministre S. Abe) qui mettent l’accent sur des soutiens budgétaires à la croissance et une politique monétaire accommodante. La BoJ a maintenu son taux directeur inchangé pour une 6ème réunion consécutive, mais deux de ses neuf membres se sont prononcés en faveur d’une hausse de taux.
Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Eloïse GIRARD-DESBOIS
Analyste macroéconomique
3 novembre 2025