Les difficultés du conglomérat indien IL&FS

Éclairage sur
Asie

La gravité des difficultés du groupe indien cristallise de nombreux points de réserves soulevés dans nos Perspectives Economiques et Financières : niveau d’endettement public et privé, levier bancaire, finance non-réglementée, projets d’infrastructure mal documentés, effets domino possibles sur une zone émergente en proie à un phénomène croissant de raréfaction de la liquidité en dollars.

Quels sont les faits ?

IL & FS est l’une des principales sociétés de développement et de financement d’infrastructures en Inde. Son mandat central consiste à participer au développement d’infrastructures dans le pays. Le groupe a contribué au développement et au financement de projets d’une valeur de 1,8 billion de roupies soit 25 milliards de dollars1. Le groupe est une institution non bancaire qui a utilisé son haut niveau de notation pour accumuler 12,5 milliards de dollars de dettes2, lui permettant ainsi de financer des actifs à long terme tels que des routes ou des stations d’épuration. La plupart des entreprises financées appartiennent à des sociétés d’exploitation liées à IL & FS. Ses 169 filiales, entreprises associées et coentreprises rendent d’ailleurs la société trop complexe pour tout organisme de surveillance ou de notation.

Le 18 et le 21 septembre dernier, la compagnie a fait défaut sur des paiements à deux de ses banques contreparties. Parmi les actionnaires de IL & FS figurent le plus grand assureur indien, Life Insurance Corp (25%), la société japonaise Orix Corp. (24%), Abu Dhabi Investment Authority (13%), HDFC (9%), Central Bank of India (8%), et State Bank of India (6%). Selon Moody’s, IL & FS Financial Services disposerait de seulement 27 millions de dollars de liquidités alors qu’environ 500 millions de dollars d’obligations viennent à échéance sur les six prochains mois. Le groupe représente selon Moody’s entre 0.5% et 0.7% de la totalité des emprunts du système bancaire indien, tandis que ses obligations non garanties et ses billets de trésorerie représentaient respectivement 1% et 2% du marché intérieur de titres de créance. La situation est suffisamment sérieuse pour que dimanche soir, dans une déclaration commune, et pour le moins inhabituelle, le régulateur des valeurs mobilières et la Banque Centrale demandent une prise en compte plus importante du risque systémique que représente cette affaire. Par ailleurs, IL & FS va solliciter l’approbation des actionnaires pour lever des fonds lors de son assemblée générale annuelle qui aura lieu le 29 septembre prochain.

L’inconnue à ce stade est l’appétence du marché pour cette émission alors que le président du groupe a démissionné pour raison de santé.

Les risques identifiés sont les suivants :

  1.  Sur le chiffre annoncé de 12,5 milliards de dollars de dettes, 40% proviendrait de sources non régulées, en d’autres termes de ‘shadow banking’;
  2.  Certains créanciers pourraient décider d’actionner les tribunaux de faillite, ce qui mènerait probablement à une réaction en chaîne. Le risque est réel car l’action d’une seule partie entraînerait l’action des autres créanciers ayant financé IL & FS;
  3.  Une contagion indienne et la mise en lumière sur les prêts douteux de 210 milliards de dollars dans les banques indiennes. Une telle contagion engendrerait forcément une crise financière avec des impacts sur la croissance. Une situation qui compliquerait la visibilité politique car nous sommes à l’aube d’élections générales, prévues en mai 2019, de plus en plus incertaines;
  4. Dans le contexte actuel de méfiance vis-à-vis des marchés émergents et de raréfaction de la liquidité en dollars, la contagion pourrait toucher d’autres pays émergents en situation de faiblesse;
  5. Le programme des investissements d’infrastructure en Inde pourrait être touché et subir des retards considérables avec des implications sur la croissance et sur la situation sociale et politique;

Les difficultés du conglomérat indien reposent la question de l’absence de maîtrise des capitaux mis en œuvre à travers les différents circuits non-bancaires et leur régulation. Malgré la crise de 2008, les actifs du système bancaire parallèle ont continué de croître. Ces actifs ont augmenté de 7,6% pour atteindre 45 000 milliards de dollars en 20163, année la plus récente évaluée.

Eclairage sur Les difficultés du conglomérat indien IL&FS - 24/09/2018 (pdf - 358.68 Ko)
Rédigé par

Jean-Paul POGGI-PIZZINI
Gestion Actions Internationales
Achevé de rédiger le 24/09/2018

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