Un risque bancaire qui se diffuse

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Moins d’un an après la faillite de plusieurs établissements, et malgré les mesures de sauvetage mises en place par la Réserve fédérale, la crise bancaire américaine se poursuit en arrière-plan de marchés boursiers qui continuent de caracoler vers des sommets, portés par une poignée de valeurs.

Comme nous le soulignons dans nos Perspectives Économiques et Financières et dans nos suivis hebdomadaires, cette crise bancaire lancinante trouve sa source dans un excès d’endettement, confronté à un mur de refinancement à des niveaux de taux nettement plus hauts. 

Alors qu’en toile de fond le risque sur l’immobilier commercial se diffuse à travers le monde (Deutsche Bank, Aozora, Deutsche PfandbriefBank…) et au-delà de la sphère bancaire (Blackrock, Pimco …), son ampleur et son impact restent difficiles à déterminer. Quelques chiffres méritent d’être précisés : le montant des prêts sur l’immobilier commercial américain s’élève à 5800 milliards de dollars, dont 2 900 milliards détenus par le système bancaire américain, et majoritairement dans les comptes des banques régionales (à 67%, soit 1 969 milliards de dollars).

Identifié depuis plus d’un an, ce risque figure en haut de la liste des inquiétudes des autorités de tutelle et du Trésor américain. Janet Yellen a rappelé il y a quelques semaines ses craintes sur ce segment de marché, rappelant le besoin d’une vigilance renforcée sur les niveaux de réserve des banques pour couvrir les pertes latentes et les besoins de liquidité pour faire face à d’éventuels chocs. A ces égards, elle a d’ailleurs ouvert la porte à des contraintes plus fortes sur l’allocation de capital, estimant nécessaire de s’assurer de la cohérence des niveaux de distribution de dividendes (et sans doute des rachats d’actions sans les nommer) pour couvrir les besoins éventuels de renforcement des fonds propres. Toutefois, les déclarations de Jérôme Powell du 7 mars 2024 devant la commission bancaire interpellent, tant elles apparaissent en contradiction avec la prudence affichée par Janet Yellen. Il suggère un abaissement des exigences réglementaires pour les banques de plus de $100 milliards - par rapport aux propositions faites à l’été 2023 - dans le cadre de l’intégration pleine de Bale 3 pour les banques américaines, et non encore implémentées. 

Ces propos semblent d’autant plus décalés à la lumière des difficultés que traverse actuellement la New York Community Bancorp (NYCB), qui ont exigé une recapitalisation rapide la semaine dernière et qui illustrent pleinement la problématique de l’immobilier commercial (détail de la situation de NYCB disponible dans notre suivi hebdomadaire du 11 mars 2024). Les propos de Jérôme Powell sont d’autant plus interpellant que la situation actuelle de la NYCB ne peut être analysée sans rappeler les manquements des régulateurs américains lors de la reprise des actifs de Signature Bank par la NYCB en mars 2023 (manque de vigilance sur le niveau des réserves pour faire face à une baisse prévisible des prix immobiliers et insuffisance de fonds propres compte tenu de la nouvelle taille de la banque). Ces deux problèmes, perceptibles dès mars 2023, relancent pleinement le sujet de la qualité de la surveillance des établissements bancaires américains. 

Au-delà du sujet spécifique de la survie - ou non - de New York Community Bancorp, les enchaînements des dernières semaines illustrent un sujet majeur : la lente transmission de la hausse des taux, et donc de la baisse des prix, dans les comptes des prêteurs. L’importance des besoins de refinancement sur l’immobilier commercial au cours des prochaines années (500 milliards de dollars de prêts bancaires devront être refinancés chacune des deux prochaines années) devrait entraîner une plus grande transparence sur les prix des actifs immobiliers, avec le risque accru d’une matérialisation des pertes.

La diffusion de cette crise bancaire n’est sans doute qu’à ses débuts et comportent de multiples ramifications : 

  • Quels sont les risques d’un nouveau durcissement des conditions d’octroi de crédit compte tenu du besoin d’augmenter les provisions et de conserver plus de liquidités ? 
  • Quelle est la capacité des autorités monétaires à poursuivre la réduction de leur bilan face à un risque accru de besoin de liquidités des banques ? 
  • Quelle est la marge de manœuvre de la banque centrale américaine qui doit trouver un équilibre entre une croissance économique toujours robuste dans un contexte d’inflation persistante, et une crise bancaire dont les sources reposent sur des niveaux d’endettement et des coûts de financement trop élevés ? 

Nous maintenons notre vigilance sur le suivi des risques bancaires et ses ramifications au travers de travaux menés dans le cadre de notre cellule de crise. Nous attachons une vigilance particulière aux développements sur les marchés monétaires et à la surveillance des besoins de liquidités des banques. De plus, les ramifications de cette crise, et notamment sa transmission à tous les pans de l'économie, font également partie de nos sujets d'étude (évolution de l'offre de crédits, difficultés de financement des entreprises...). 

Face à ces risques et en fonction de la réactivité des banques centrales pour tenter de les contenir, le retour d’une plus grande volatilité sur les marchés financiers n’est pas à exclure. Cette volatilité pourrait nous offrir des niveaux d’interventions.

 

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Rédigé par

Le Comité Banques
Le 13 mars 2024

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