Edito - Mars 2021

Edito

Reporting vous avez dit reporting ?

La crise de la COVID 19 a largement été analysée comme un accélérateur de tendances sous-jacentes dans de très nombreux domaines, tant économiques que sociologiques. Le domaine de l’extra-financier n’y fait pas exception. Avec au moins une certitude dans un monde d’incertitude : l’année 2021 sera celle de la conformité.

En effet, l’Europe en mal de positionnement économique et stratégique entre les deux superpuissances que sont les États-Unis et la Chine, a au moins trouvé un domaine dans lequel assoir son avance : celui de la lutte contre le changement climatique et son corollaire, le reporting extra-financier des institutions financières.

« La France est en pointe sur le sujet avec une ambition politique quasi messianique. L’Union européenne avance à marche forcée dans le domaine et la Commission européenne a travaillé d’arrache-pied en 2020. Si les textes structurants ont pour certains été votés à la fin de l’année 2019 et affinés en 2020, c’est bien en 2021 que les premiers impacts sur le reporting extra-financiers se feront ressentir pour les sociétés de gestion. »

Yannick Tatibouët

Les sociétés de gestion et les investisseurs vont devoir répondre à des exigences de reporting qui vont se combiner entre le niveau européen et le niveau national. Nous pouvons ainsi citer le règlement européen sur la transparence, également appelé Disclosure, qui demande aux promoteurs de produits financiers de les positionner selon leur degré de prise en compte de facteurs ESG. Au niveau national, les Sociétés de gestion de portefeuille (SGP) doivent en parallèle positionner leur gamme d’OPC selon leur degré de communication sur la prise en compte de critères extra-financiers. Ainsi le produit financier est mis au cœur des ambitions politiques - devenues règlementaires - de la transition énergétique. La composante environnementale et surtout climatique écrase les autres domaines de l’ESG. Il est révélateur, qu’en France, le reporting extra-financier des investisseurs soit régit à l’intérieur de lois sur le climat (en 2015, la Loi sur la transition énergétique et la croissance verte ou LTECV, puis fin 2019 par la loi sur l’énergie et le climat).

L’Union européenne n’est pas en reste puisque la Taxonomie, compendium de définitions et de critères pour définir ce qui est durable, ne concerne – à ce jour - que ses objectifs climatiques. 

Le dénominateur commun de ces exigences de reporting est de provoquer un saut quantique sur l’information au grand public, avec de plus en plus de mesures et de calculs. L’intention première est bonne car il s’agit d’accélérer la transition énergétique à travers une information toujours plus poussée vis-à-vis de l’épargnant. Toutefois, la réalité concrète de l’exercice est plus complexe et soulève quelques questionnements dans la mesure où l’information de base qui provient tout naturellement des entreprises, fait l’objet d’enjeux de complétude, d’harmonisation et de comparabilité des données. Le fait qu’elles n’avancent pas au même rythme que le reporting exigé des investisseurs, pose naturellement un problème. Les SGP sont également confrontées à une hausse des coûts de production de ces reportings car cela nécessite de façon immédiate une hausse des ressources humaines et techniques, sans parler du recours incontournable à des prestataires de données. Il faut se souvenir qu’à la fin, le coût de gestion est toujours supporté par l’épargnant. Par ailleurs, l’exemple récent de la règlementation PRIIPS, qui a largement inspiré les exigences calculatoires du règlement Disclosure, a laissé d’amers souvenirs aux investisseurs en raison du faible impact de l’information sur les clients finaux, au regard des coûts de reportings fortement voire totalement normés. 

D’autre part quand on connait le faible niveau de maturité et les biais méthodologiques des données ESG nous pouvons légitimement nous inquiéter de l’intention politique de s’en servir comme instruments de pilotage de placements financiers. C’est un sujet que nous aurons l’occasion de développer dans la prochaine édition de notre rapport ESG.

C’est pourquoi nous militons pour que les acteurs de la finance se concentrent avant tout sur leur mission première qui est de servir la meilleure rentabilité financière possible à leurs clients. Si le « en même temps » du grand mouvement de décarbonation des économies, dont la finance n’est qu’un maillon, fonctionne, alors tout le monde sera gagnant.

Yannick Tatibouët

Yannick Tatibouët,
Directeur exécutif

Le 26 mars 2021

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