Environnement économique Août 2020
Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique d'août 2020 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie
Nos perspectives économiques et financières
Le choc récessif lié à la crise sanitaire vient s’appliquer sur des fragilités majeures, pré-identifiées dans nos Perspectives Economiques et Financières : dettes des agents publics et privés, structures des revenus et inégalités, remise en cause de la mondialisation fondée sur le multilatéralisme et chocs politiques et géopolitiques. Les circuits classiques de sortie de crise pourraient s’avérer rapidement inopérants car les bases sont déjà malsaines. Dans ce contexte, nous tablons sur une dépression économique sévère qui devrait amplifier les fragilités observées suite à la crise financière de 2008.
Au mois d’août, la plupart des données publiées continuent d’illustrer le rebond de l’activité qui succède mécaniquement au confinement des grandes économies. Toutefois, le maintien du risque épidémique à un niveau globalement élevé, avec des recrudescences marquées dans certains pays (notamment l’Espagne et la France), menace la pérennité de ce fragile redressement. Par ailleurs, certains indicateurs font déjà état d’un essoufflement de l’élan de la reprise économique en juillet-août alors que les niveaux d’activité restent globalement bien inférieurs aux normes d’avant-crise et que les annonces de licenciements se multiplient. Sur le marché des changes, l’Euro s’est apprécié de 0,8% et termine le mois à 1,194 dollar pour un euro. Le prix du baril de pétrole Brent atteint 45,3$, soit une progression mensuelle de 4,6%.
Aux Etats-Unis, la progression de l’épidémie ralentit sur le mois d’août mais les incertitudes se maintiennent sur la reprise de l’activité. Le nombre de nouveaux cas s’est, en effet, considérablement réduit autour des 40 000 cas quotidiens fin août après avoir atteint des sommets en juillet à plus de 75 000 cas, surtout localisés dans les Etats du sud et de l’ouest du pays. Alors que les indicateurs d’enquêtes continuent de se redresser mécaniquement en juillet et août, les données sur l’emploi témoignent d’un certain essoufflement de l’élan des derniers mois. En juillet, seul 1,763 million d’emplois ont été créés aux Etats-Unis, soit près du tiers des créations d’emplois observées en juin. Ainsi, la dynamique du marché du travail s’infléchit alors que moins de la moitié des 21 millions d’emplois détruits en avril ont, pour l’heure, été recréés. Côté ménages, le ralentissement des progrès de la consommation en juillet (+1,6% après +8,4% et +5,7% en mai et juin) traduit également un essoufflement du rattrapage alors qu’une dégradation des revenus est attendue en août. Républicains et Démocrates n’ont en effet pas trouvé de terrain d’entente pour prolonger les indemnités chômage exceptionnelles de 600$ par semaine qui expiraient au 31 juillet. Côté monétaire, la stratégie de la Fed évolue vers l’adoption d’un ciblage d’inflation moyenne qui consiste à compenser les périodes où l’inflation est inférieure à la cible de 2% par des périodes où l’inflation est supérieure à la cible, ce qui devrait impliquer une politique monétaire structurellement plus accommodante. Face au recul de la relation inflation-chômage, la Fed a fait savoir qu’elle ne réagira pas à un marché du travail en tension tant que celui-ci ne génère pas de pressions inflationnistes indésirables ou d’autres déséquilibres. Sur le plan international, le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté le projet de résolution déposé par les Etats-Unis visant à prolonger l’embargo sur les armes en Iran, provoquant une nouvelle crispation du gouvernement américain vis-à-vis des institutions multilatérales. En vue de l’élection de novembre 2020, le candidat démocrate Joe Biden – qui dispose toujours d’une certaine avance dans les sondages – a renforcé son positionnement centriste en annonçant que la sénatrice Kamala Harris serait sa colistière.
En Zone euro, la reprise de l’épidémie inquiète alors que des signes d’essoufflement du rebond économique s’observent déjà. Le nombre de nouveaux cas a progressé en France et en Espagne au cours du mois d’août et de nouvelles mesures de restrictions, certes moins drastiques et plus localisées, ont été mises en place. La production industrielle poursuit son rebond (+9,1% sur un mois) en juin mais se maintient à des niveaux bien inférieurs à ceux enregistrés avant la crise épidémique (-11,9% en glissement annuel). Bien que le rebond de l’activité ne soit encore que partiel, les indices PMI sur le mois d’août témoignent déjà d’une certaine modération de la reprise de l’activité en lien avec une demande lourdement affectée. Les indicateurs de climat des affaires de la Commission européenne indiquent en revanche une poursuite du rebond en août, malgré des niveaux toujours très dégradés. Le nombre de personnes en emploi s’est fortement détérioré au T2 (-2,8% soit une baisse de 4,5 millions) et un recul bien plus important est attendu lorsque seront levées les mesures de chômage partiel. Ces dernières devraient toutefois se maintenir dans l’immédiat alors que les gouvernements des principales économies européennes ont successivement annoncé leur prolongement pour les prochains mois. Au Royaume-Uni, le PIB s’est effondré de 20,4% au deuxième trimestre 2020 par rapport au trimestre précédent (-21,7 par rapport au T2 2019). Cette baisse très marquée au regard de celle enregistrée en Zone euro sur la même période (une baisse de 12,1%, avec des reculs de 13,8% pour la France et de 10,1% pour l’Allemagne) s’explique surtout par une période de confinement plus longue au Royaume-Uni. Comme le souligne l'ONS, plus de 70% de cette baisse s’expliquerait par le repli de la consommation privée. Des reculs notables ont également été enregistrés au niveau des investissements (FBCF) et des dépenses publiques. Bien que plus lourdement touché que ses voisins au premier semestre, le Royaume-Uni pourrait connaître un rebond plus marqué au deuxième trimestre, comme semblent l’indiquer les PMI d’août. Sur le Brexit, les négociations tenues durant le mois n’ont pas permis des avancées significatives et le risque d’une sortie de l’Union Européenne sans accord préalable est de plus en plus important.
Au Japon, la croissance du PIB enregistre un recul historique de 7,8% au deuxième trimestre 2020 du fait de la crise sanitaire. Le pays a souffert des fortes baisses de la demande domestique, comme l’illustre le repli de la consommation (-8,2%), et de la demande extérieure, qui s’est traduit par l’effondrement des exportations de plus de 18%. Les données d’activité sur les mois de juin et juillet témoignent toutefois du rebond économique à l’œuvre alors que l’inflation reste atone. Sur le plan politique, le Premier ministre Shinzo Abe a démissionné pour raison de santé après sept ans et huit mois à son poste (un record de longévité). En Chine, la demande domestique reste affectée par la crise. En effet, si la production industrielle chinoise se redresse en juillet (+4,8% en glissement annuel) et que la croissance des crédits des institutions financières à l’économie reste vigoureuse (13%), les ventes au détail se maintiennent en recul (-1,1%). Ce constat est aussi visible au regard du commerce international où le large rebond des exportations contraste avec un niveau d’importation toujours bien en-deçà des normes d’avant-crise.
Sources des données : Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, UK Office of National Statistics, Markit, INSEE, Statistiches Bundesamt, Commission Européenne, Statistics Bureau of Japon, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Louis Martin
Analyste économique
Le 31 août 2020