Environnement économique Mars 2021
Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de mars 2021 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie
Nos perspectives économiques et financières
Le choc récessif lié à la crise sanitaire vient s’appliquer sur des fragilités majeures, pré-identifiées dans nos Perspectives Economiques et Financières : dettes des agents publics et privés, structures des revenus et inégalités, remise en cause de la mondialisation fondée sur le multilatéralisme et chocs politiques et géopolitiques. La crise du covid-19 et les réponses politiques apportées ont exacerbé les divergences. Le déplacement du centre de gravité économique mondial vers l’Asie en sort renforcé. Le très haut degré d’incertitude entourant l’évolution de la situation sanitaire ne permet pas d’écarter un scénario de dépression.
Tensions et divergences
Les divergences en matière de situation sanitaire se sont accentuées au cours du mois de mars. Alors que les Etats-Unis lèvent progressivement les restrictions, forts d’une campagne de vaccination rapide et efficace, les pays européens font face à une résurgence de l’épidémie et imposent de nouveaux freins à l’activité économique. Ces divergences creusent l’écart entre une économie américaine stimulée par de nouveaux soutiens budgétaires, et une Europe où les perspectives restent très incertaines. Les tensions politiques et géopolitiques se sont également renforcées. L’Union Européenne est mise à l’épreuve des réticences allemandes vis-à-vis du plan de relance commun et les tensions avec le voisin britannique se sont exacerbées. De même, les antagonismes assumés entre la Chine et les pays occidentaux (Etats-Unis, Europe) se sont affichés au grand jour et constituent un risque géopolitique croissant. Sur le marché des changes, l’Euro s’est déprécié de 3,3% face au dollar à 1,172 dollar pour un euro. Le prix du pétrole Brent enregistre une baisse de 3,9% et s’établit à 63,5 dollars le baril.
Aux Etats-Unis, la politique budgétaire reste résolument expansionniste. Le Congrès a adopté un nouveau plan de soutien de 1900 Mds$, tourné vers les aides au revenu des ménages (envois de chèques de 1400$, prolongation des allocations chômage exceptionnelles) et la lutte contre la pandémie. Dans la continuité, l’administration Biden a présenté en fin de mois un plan de 2250 Mds$ consistant essentiellement en des dépenses dans les infrastructures, financées par une hausse de l’imposition des sociétés. Si les réticences contre ce nouveau plan sont manifestes du côté Républicain, les dissensions sont également de mise du côté Démocrate. L’aile progressiste dénonce un manque d’ambition tandis que l’aile modérée est réticente à une forte hausse des taxes. La ligne de crête sera donc étroite au Congrès pour faire adopter ces nouvelles mesures de dépenses. Sur le marché du travail, les progrès se confirment au mois de février, dans un contexte d’amélioration de la situation sanitaire et de levée progressive des restrictions. Les créations de postes atteignent 373 000 emplois, concentrées essentiellement dans les secteurs des services sensibles à la pandémie. Ces chiffres doivent néanmoins être mis en perspective avec le niveau d’emploi total qui reste inférieur à hauteur de 9,5 millions de postes au niveau pré-pandémie. Sur le plan monétaire, la Réserve fédérale a maintenu le statu quo tout en prenant acte des développements favorables concernant la vaccination et le soutien budgétaire. Malgré des perspectives de croissance revues en hausse, le Président Jerome Powell a maintenu un discours très prudent et rappelé que les conditions pour réduire l’assouplissement monétaire étaient encore loin d’être réunies. Du côté des données d’activité, la production et les commandes industrielles font état d’un affaiblissement au mois de février. Une modération dont la lecture et l’interprétation sont toutefois rendues difficiles par les tempêtes de neige qui ont touché le sud du pays. Par ailleurs, les données de février pour la consommation et les ventes au détail sont également pénalisées par un effet de balancier défavorable suite à un mois de janvier exceptionnel, dopé aux aides gouvernementales (chèques de 600$). Les envois de chèques supplémentaires de 1400$ mis en œuvre en mars devraient permettre un rebond significatif à court terme.
En Zone euro, la ratification du plan de relance de l’Union Européenne (750 Mds€) rencontre des perturbations en Allemagne. Malgré le vote des deux chambres parlementaires en faveur de la décision de ressource propre, la Cour constitutionnelle allemande a suspendu cette ratification dans l’attente de se prononcer sur un recours initié par un groupe de citoyens considérant que la mise en place d’une dette commune à l’échelle de l’UE rentrait en contradiction avec les cadres législatifs allemand et européen. La mise en œuvre effective de ce plan, prévue au second semestre 2021, pourrait ainsi être encore repoussée. Concernant l’activité, les indicateurs d’enquête décrivent une amélioration du climat des affaires en mars. Cette hausse apparaît principalement attribuable au dynamisme du secteur manufacturier, qui profite d’une demande mondiale en progrès, tandis que l’amélioration du secteur des services et de la confiance des consommateurs est plus modeste. Cette meilleure orientation doit par ailleurs être relativisée dans la mesure où la plupart de ces enquêtes ne prennent pas en compte, le durcissement des mesures de restriction sanitaires annoncées en fin de mois en France, en Allemagne ou encore en Italie. Sur le plan international, le mois a été marqué par la montée des tensions avec la Chine, suite à l’imposition par l’UE de sanctions visant des fonctionnaires chinois en raison des persécutions des Ouïghours dans la région du Xinjiang- les premières sanctions imposées à la Chine par l’UE depuis les évènements de Tiananmen en 1989. Le ministère chinois des affaires étrangères, a immédiatement répondu en imposant des interdictions de voyager à dix individus dont cinq parlementaires européens. Ces hostilités participent à la montée structurelle des tensions géopolitiques, documentées dans nos Perspectives Economiques et Financières, qui constituent une fragilité majeure dans un contexte de forte interdépendance économique. L’accord bilatéral d’investissement entre l’UE et la Chine – sur lequel les deux parties étaient arrivées à un accord de principe fin 2020- pourrait être mis en péril par ces événements.
En Chine, la réunion annuelle du Parlement chinois, s’est traduite par l’approbation d’un nouveau plan quinquennal pour 2021-2025, mettant notamment l’accent sur la qualité et la soutenabilité de la croissance économique, avec un renforcement du poids de la consommation privée dans le PIB. Dans un contexte de tensions commerciales encore vives avec les Etats-Unis, l’autosuffisance économique est également un thème majeur du nouveau plan, avec notamment un soutien apporté au développement des secteurs technologiques jugés stratégiques. Pour l’année 2021, l’Assemblée nationale populaire a fixé un objectif de croissance modeste de « plus de 6% », traduisant la volonté de normalisation du soutien budgétaire et de désendettement progressif après l’accroissement des déséquilibres financiers occasionné par la pandémie. En termes d’activité économique, les chiffres de production industrielle font état d’une dynamique soutenue en ce début d’année, tandis que les ventes au détail témoignent d’une progression plus modeste du côté de la consommation.
A l’issue de sa revue de politique monétaire, la Banque du Japon (BOJ) a annoncé des changements d’ampleur modeste allant dans le sens d’une flexibilité accrue de son soutien monétaire. La BOJ continuera de cibler un taux de 0% pour les obligations souveraines à 10 ans, tout en permettant des fluctuations de 25 points de base (pb) au-dessus ou en-dessous de cette cible, une flexibilité très légèrement supérieur aux 20 pb de marge qui guidaient jusqu’à présent l’action de la BOJ.
Sources des données : Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, Markit, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Sébastien Berthelot
Responsable adjoint de l'analyse économique
Le 01 avril 2021