Environnement économique - avril 2025
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L’incertitude se renforce au gré des annonces américaines
Nos perspectives économiques et financières
Dans la continuité de nos réflexions précédentes, nous poursuivons notre analyse des avantages concurrentiels et le déploiement des stratégies industrielles des trois zones, à l’aune des premières mesures de la nouvelle administration américaine, des dernières initiatives européennes et des annonces volontaristes de la Chine. Les rapports de force au niveau mondial évoluent, de nouvelles rivalités se dessinent, et ces nouvelles réalités ont conduit à des stratégies de rupture, qui réorganisent les échanges mondiaux et encouragent des initiatives régionales ou nationales. Cette réorganisation du monde, qui s’accompagne d’une course à l’accès aux ressources, génère des pressions inflationnistes structurelles : tensions géopolitiques, relocalisation, pressions sur les salaires… Dans ce contexte où le Politique a repris la main, les marges de manœuvre des banques centrales restent contraintes et les autorités monétaires seront à l’avenir plus réactives que proactives.
Le mois d’avril a été marqué par des hausses de droits de douane américains d’ampleur, suivies d’une escalade tarifaire avec la Chine et d’une augmentation de l’incertitude au niveau mondial. Le Royaume-Uni et le Japon ont entamé des négociations commerciales avec l’administration américaine, tandis que l’Union européenne a mis en pause ses mesures de rétorsions à l’encontre de Washington. Par ailleurs, la Banque centrale européenne a procédé à une nouvelle baisse des taux directeurs, tandis que le Président de la Réserve Fédérale a exprimé ses craintes quant à l’impact des hausses de droits de douane sur l’inflation américaine. Sur le marché des changes, l’euro s’est apprécié de 5,16% sur le mois contre le dollar, à 1,1373. Le prix du baril de Brent a baissé de 15,55% par rapport au mois précédent, à 63,12$.
Aux Etats-Unis, le PIB est en baisse de 0,1% au premier trimestre (en glissement trimestriel) pénalisé par l’anticipation de la hausse des droits de douane. La baisse de l’activité est entièrement expliquée par le fort rebond des importations sur les trois premiers mois de l’année (+9% en glissement trimestriel), en amont de l’entrée en vigueur des mesures commerciales décidées par l’administration américaine. En parallèle, la consommation des ménages, principal contributeur à la croissance sur les derniers trimestres, a ralenti, tandis que l’investissement a été bien orienté. Sur le plan commercial, les droits de douane sur l’ensemble des importations de biens aux Etats-Unis ont augmenté de 10% le 5 avril. Des droits de douane « réciproques » plus élevés qui devaient être mis en œuvre dès le 9 avril, ont finalement été suspendus pour 90 jours, à l’exception de ceux appliqués à la Chine, qui a rapidement pris des mesures de rétorsion. Ainsi, les droits de douane américains à l’encontre des biens chinois ont été relevés à 145%, tandis que les biens américains importés par la Chine seront soumis à des droits de douane de 125%. Enfin, les importations de véhicules aux Etats-Unis ont également été visées par une hausse des droits de douane de 25%. Alors que les enquêtes du mois d’avril font état d’une baisse de la confiance dans un contexte d’incertitude croissante, le Président de la Réserve Fédérale (Fed) a exprimé ses inquiétudes quant aux effets de la politique commerciale américaine sur le double mandat de la banque centrale, bien que l’inflation poursuive sa baisse (+2,8% en mars) et que le marché de l’emploi demeure solide (+226 000 emplois créés en mars) pour le moment. Le Président américain D. Trump a d’abord réagi à ces propos en exigeant une baisse immédiate des taux directeurs et en suggérant qu’il pourrait envisager de remplacer J. Powell, avant de finalement, quelques jours plus tard, exclure cette possibilité.
Au Royaume-Uni, l’enquête PMI signale une contraction de l’activité en avril, pénalisée par des vents contraires tant au niveau national qu’international. Le PMI composite est en effet passé sous le seuil des 50 pour la première fois depuis octobre 2023, et atteint son plus bas niveau depuis novembre 2022. Sur le plan géopolitique, le gouvernement a entamé des négociations avec l’administration américaine, et a ouvert la porte à une baisse des droits de douane britanniques sur les véhicules importés des Etats-Unis. Il a par ailleurs baissé ses droits de douane de manière temporaire sur 89 produits, afin d’alléger les coûts qui pèsent sur les entreprises et les consommateurs britanniques. En zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a procédé à une septième baisse consécutive de ses taux directeurs, ramenant le taux d’intérêt de sa facilité de dépôt à 2,25%. Cette nouvelle détente de la politique monétaire répond à l’évolution récente de l’inflation et notamment de l’inflation sous-jacente qui poursuit sa baisse (à 2,4% en mars) et intervient dans un contexte de forte incertitude sur l’évolution des mesures commerciales américaines et sur leurs conséquences sur l’économie européenne. Si l’effet négatif des droits de douane sur l’activité de la zone euro parait certain, l’impact sur l’inflation reste indéterminé. Concernant la dynamique d’activité, la croissance du PIB a augmenté au premier trimestre (+0,4% en glissement trimestriel), tirée une nouvelle fois par l’Espagne (+0,6%), alors que la dynamique est plus faible en Allemagne (+0,2%) et en France (+0,1%). Sur le plan géopolitique, la Commission européenne a suspendu ses mesures de rétorsion à l’encontre des Etats-Unis, après la suspension pour 90 jours de l’entrée en vigueur des droits de douane réciproques américains.
En Chine, les autorités ont poursuivi les mesures de rétorsion face à la politique commerciale américaine, et les droits de douane entre les deux pays ont augmenté de manière significative. Par ailleurs, la croissance du PIB est restée solide au premier trimestre (+1,2% en glissement trimestriel), mais les perspectives sont mal orientées en raison des tensions commerciales, à l’image de l’enquête PMI du mois d’avril qui signale une forte contraction des nouvelles commandes à l’exportation. Au Japon, le gouvernement a entamé des négociations avec l’administration américaine au sujet des droits de douane. En parallèle, les autorités nippones ont annoncé un plan de soutien à l’économie, qui vise notamment à favoriser l’accès à de la liquidité bon marché aux petites entreprises japonaises exposées au choc des droits de douane. Concernant l’activité, l’enquête PMI rapporte une forte divergence sectorielle en avril, entre vigueur des services et faiblesse de l’industrie.
Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Eloïse GIRARD-DESBOIS
Chargé d'Etudes Macro-Economiques
2 mai 2025
