Environnement économique - Janvier 2024
Temps de lecture : min
Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de janvier 2024 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie.
Nos perspectives économiques et financières
Après le constat d’un multilatéralisme en panne, le libéralisme est fortement ébranlé. La multiplication des barrières commerciales, les contraintes à la localisation des investissements ou encore l’accès plus difficile aux ressources bouleversent le fonctionnement des entreprises. Ces dernières avaient l’habitude d’un monde ouvert, dans lequel elles avaient une totale latitude quant à leurs lieux de production et l’étendue de leur chaîne d’approvisionnement. Leurs conditions de financement, favorables depuis de nombreuses années, se sont aussi dégradées avec le changement d’orientation des politiques monétaires, obligées de réagir à une inflation structurellement plus élevée. Elles doivent revoir aujourd’hui leurs modèles. Parallèlement, les Etats, qui veulent accompagner la transition énergétique et réaffirmer leur souveraineté industrielle, se heurtent également à des contraintes de financement plus fortes.
Des deux côtés de l’Atlantique, les banques centrales ont maintenu le statu quo et appellent à la patience quant à l’amorce d’un cycle de baisse des taux. La croissance économique américaine continue de surprendre par sa vigueur alors que l’activité européenne reste pénalisée par les difficultés de l’industrie allemande. En Chine, la poursuite de la détérioration du secteur immobilier et le ralentissement économique ont amené les autorités à renforcer l’assouplissement monétaire. La montée des tensions géopolitiques continue de peser lourdement sur l’environnement international. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 1,93% sur le mois, à 1,0837 contre le dollar. Le prix du baril de Brent a augmenté de 6,06% par rapport au mois précédent, à 81,71$.
Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a maintenu sans surprise le statu quo, tout en ajustant la communication dans un sens plus accommodant. Si les banquiers centraux envisagent un assouplissement « à un certain moment cette année », ils ne semblent pas pressés d’agir. Le Président Jerome Powell a repoussé l’idée d’un mouvement imminent en déclarant lors de la conférence de presse qu’une baisse de taux en mars « n’est probablement pas le cas le plus probable ». La prudence des banquiers centraux fait écho à un repli encore progressif de l’inflation (3,4% en décembre) et au dynamisme de l’activité. La croissance trimestrielle du PIB est restée forte au 4ème trimestre (+0,8%, après 1,2% au 3ème trimestre), soutenue par la solidité des dépenses des ménages et les investissements en infrastructures manufacturières favorisés par les plans Inflation Reduction Act et Chips Act de l’administration Biden. Bien qu’en modération, le marché du travail est également resté dynamique fin 2023. Sur le plan budgétaire, le Congrès a voté un texte pour financer une partie des administrations fédérales jusqu’au 1er mars, l’autre partie jusqu’au 8 mars (une partie du financement aurait expiré le 19 janvier en l’absence de vote). D’ici cette échéance, les membres du Congrès tâcheront de s’accorder sur un budget définitif. Concernant les tensions géopolitiques, le risque d’escalade du conflit au Moyen-Orient s’est encore renforcé, à la suite de l’attaque d’une base américaine en Jordanie.
Au Royaume-Uni, la dynamique des prix reste un facteur de préoccupation. Bien qu’en nette modération en 2023, l’inflation a légèrement augmenté en décembre à 4%, notamment en lien avec la mise en place d’une nouvelle taxe sur le tabac. L’inflation sous-jacente est restée stable à 5,1%, soutenue par la vigueur des prix dans les services qui reflète notamment la forte croissance des salaires (+6,6% en novembre). Concernant l’activité économique, les données du PIB mensuel confirment le léger rebond de l’activité en novembre et l’enquête PMI est globalement bien orientée en janvier. La faiblesse du secteur manufacturier semble toutefois renforcée par l’allongement des délais de livraison causé par la crise en Mer rouge.
En zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a maintenu ses taux directeurs et les modalités de réduction de son portefeuille de titres inchangés en janvier. Les banquiers centraux « entendent » mettre fin totalement au réinvestissement du produit des tombées de ce portefeuille au début de l’année prochaine. La présidente Lagarde a répété qu’il n’y a officiellement pas de discussion sur les futures baisses de taux, qu’il est encore trop tôt pour les ouvrir et que les prochaines décisions dépendent des statistiques à venir sans qu’il y ait de calendrier préétabli. Sur le front économique, les indicateurs publiés en janvier sont mitigés. Le taux de chômage a atteint un nouveau plus bas historique à 6,4% et l’inflation a légèrement rebondi à 2,9% en décembre. En revanche, la production industrielle et les ventes au détail reculent toutes deux de 0,3% en novembre en volume. Sur l’ensemble de l’année 2023, la croissance du PIB est en net ralentissement à 0,5% en zone euro après 3,4% en 2022, principalement tirée à la baisse par l’Allemagne, le moteur économique de la zone sur la dernière décennie, dont le PIB s’est contracté de 0,3%. En outre, une crise politique a été évitée de peu en Allemagne à la suite de désaccords sur les questions budgétaires. Les militants du parti libéral (FDP) ont voté à une très faible majorité de 52% le maintien du parti dans la coalition gouvernementale.
En Chine, l’économie reste fragilisée par la détérioration du secteur immobilier. Si l’objectif du gouvernement est légèrement dépassé avec une croissance annuelle du PIB de 5,2% en 2023, ce redressement reste synonyme de net ralentissement par rapport aux dernières décennies, comme l’illustre la formation d’un environnement déflationniste. Les autorités ont ainsi renforcé leur soutien à l’activité, principalement par un assouplissement de la politique monétaire. Enfin, le maintien au pouvoir d’un parti pro-indépendance à l’issue de l’élection générale taïwanaise ne devrait pas favoriser un apaisement des tensions géopolitiques autour de l’île. Au Japon, la banque centrale maintient sa politique monétaire très accommodante mais se dit de plus en plus confiante dans la réalisation de son objectif d’inflation en lien avec des perspectives à la hausse sur les salaires et des prix toujours dynamiques dans les services.
Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Louis MARTIN
Économiste
Le 1er février 2024
Découvrez d'autres décryptages