"Le regard de la gérante " : La nouvelle ère de l’électricité

Le Point de vue de l'expert

Temps de lecture : min

Hitachi Energy a récemment annoncé un investissement de $1 Md aux États-Unis, dont près de la moitié sera consacrée à une nouvelle usine de transformateurs électriques en Virginie.

Cette initiative s’inscrit dans un plan global de $6 milliards et illustre la nécessité croissante de renforcer et moderniser les réseaux électriques américains. De son côté, Mitsubishi Heavy Industries a décroché une commande de turbines à gaz auprès de Taiwan Power (pour 2,8 GW), renouant ainsi avec un client absent de son portefeuille depuis plus de trente ans. Ces deux annonces, l’une tournée vers l’infrastructure de transmission et distribution, l’autre vers la production d’électricité, traduisent un même constat : la demande mondiale d’électricité croît fortement (+4,3% en 2024) et impose des investissements massifs dans toute la chaîne de valeur énergétique. 

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation d’électricité devrait encore croître d’environ 4% par an jusqu’en 2027, soit plus de 3 500 TWh (10% de la consommation mondiale actuelle). La Chine et l’Inde concentrent la majeure partie de cette hausse, avec des rythmes annuels supérieurs à 6%. Aux États-Unis, la croissance est estimée à 2% par an mais il témoigne de tendances séculaires (électrification), auxquelles s’ajoutent l’explosion des besoins des centres de données. En effet, leur consommation énergétique, portée par les besoins de l’intelligence artificielle devraient plus que doubler d’ici 2030, pour atteindre près de 945 TWh. Pour accompagner ce basculement vers ce que l’AIE appelle une « nouvelle ère de l’électricité », deux conditions apparaissent incontournables. 

La première est d’assurer des capacités de production flexibles et pilotables, capables de compenser l’intermittence des énergies renouvelables : c’est le rôle des turbines à gaz, comme celles fournies par Mitsubishi à Taiwan Power. La seconde est de moderniser en profondeur les réseaux de transport et de distribution électrique. Les investissements actuels stagnent autour de $300 Mds par an, alors que l’AIE estime qu’il faudrait porter ce chiffre à plus de $600 Mds d’ici 2030 pour absorber les nouveaux besoins, intégrer davantage de renouvelables et sécuriser les approvisionnements. Dans la décennie qui s’ouvre, l’enjeu n’est donc pas simplement de produire plus d’électricité, mais de transformer les infrastructures qui la soutiennent. Ce basculement vers une économie « électrifiée » ne se résume pas à une question de volumes ou de capacité de production électrique installée. L’électricité devient une variable stratégique, au même titre que l’accès à l’information ou aux capitaux, et sa gestion ne peut plus être pensée comme un simple service public. Dans ce contexte, la capacité à acheminer l’énergie, à garantir la stabilité du réseau en temps réel, à intégrer des sources multiples et décentralisées, devient un avantage compétitif pour chaque pays. 

Les acteurs les mieux positionnés pour bénéficier de ce changement de paradigme sont, soit ceux qui maîtrisent l’ensemble de la chaîne de valeur (conception des équipements, gestion des flux et de la donnée en temps réel), soit ceux les plus critiques sur un segment de celle-ci. Dans le cadre de nos Perspectives Économiques et Financières, nous avons identifié l’électricité comme un enjeu économique majeur, ce dernier n’étant plus simplement énergétique mais technologique, géopolitique et stratégique.

Rédigé par

Sophie PONS
Adjointe au Responsable d’équipe Gestion Actions Monde