Environnement économique Mai 2020
Retrouvez notre restrospective de l'environnement économique de mai 2020 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie
Nos perspectives économiques et financières
Le cadre structurel que nous décrivons dans nos perspectives économiques et financières est un régime de croissance faible, combiné à une déflation par les revenus et à un endettement élevé et croissant. Ce contexte fragilise les économies, rend inopérantes les politiques monétaires et réduit les marges de manœuvre des pouvoirs publics. Le dogme de l’échange comme moteur de la croissance mondiale à travers les transferts de richesse, semble avoir trouvé ses limites. Les entreprises se questionnent sur leurs chaînes d’approvisionnement et les ménages prennent conscience des limites des bienfaits immédiats de prix toujours plus bas au détriment de l’emploi. Multilatéralisme et mondialisation sont remis en cause par des pouvoirs politiques qui veulent reprendre la main, dans un monde qui bascule vers plus de régionalisme.
Le mois de mai a été marqué par les conséquences économiques des mesures de confinement mises en place pour faire face à l’épidémie de la Covid-19. Les indicateurs d’activité publiés au cours du mois décrivent une dégradation historique de l’économie. Si les indicateurs avancés indiquent une légère amélioration des perspectives sur fond de levée des mesures sanitaires, ils n’en demeurent pas moins sur des niveaux très bas. A cette crise économique s’ajoutent des tensions politiques internes et externes croissantes. Au sein de l’Union Européenne, malgré des avancées substantielles, la mise en place d’un plan de relance post-Covid-19 reste entourée d’incertitudes. L’action de la Banque Centrale Européenne (BCE) apparaît par ailleurs contrainte par la décision de la Cour Constitutionnelle Allemande, qui considère que la BCE agit en dehors de son mandat. Aux Etats-Unis, la fin du mois a été marquée par des manifestations dans un climat de fortes tensions sociales. Enfin, les relations entre la Chine et les Etats-Unis se sont à nouveau tendues. Au cours du mois de mai, l’euro s’est apprécié de 2,4% face au dollar et termine à 1,1136 dollar pour un euro. Le prix du baril de pétrole s’inscrit en hausse, passant de 25,3$ à 35,3$, soit une hausse de 40% sur le mois.
Aux Etats-Unis, les indicateurs d’activité ont enregistré des contractions historiques, illustrant le très violent coup d’arrêt de l’économie à la suite des mesures de confinement. La consommation des ménages a ainsi fortement reculé en avril et ce malgré un soutien au revenu apporté par le versement de chèque par le gouvernement dans le cadre de son plan de soutien. En conséquence, le taux d’épargne des ménages a bondi. Sur le marché du travail, la situation demeure critique avec une progression encore très importante des demandeurs d’allocations chômage et un taux de chômage qui est passé de 4,4% à 14,7%. Enfin du côté de l’industrie, la situation reste également très dégradée comme en témoigne la chute de la production. Si les indicateurs avancés de l’activité se sont quelque peu redressés en mai, ils demeurent toutefois sur des niveaux historiquement bas. Au niveau budgétaire, le congrès américain peine à s’accorder sur la mise en place d’un nouveau plan de soutien. Du côté de la politique monétaire, les minutes de la réunion d’avril de la Réserve Fédérale illustrent les inquiétudes sur les impacts potentiellement durables de la crise sur l’économie américaine et le niveau très élevé d’incertitudes quant aux perspectives de court et moyen terme. Enfin, sur le plan politique, le mois a été marqué par un regain de tension entre la Chine et les Etats-Unis. L’administration Trump a notamment ajouté 33 entreprises chinoises supplémentaires sur sa liste noire, ce qui interdit à toute entreprise américaine d’entretenir des relations économiques avec elles.
En Zone euro, la Commission Européenne a fait une proposition de plan de relance à l’échelle européenne. Ce plan, intitulé « Next Generation EU » prendrait la forme d’un fonds de 750Mds€ réparti entre 500 Mds€ de subventions et 250 Mds€ de prêts distribués entre 2021 et 2024. Ce fonds de 750 Mds€ serait financé à travers l’émission de dette par la Commission Européenne qui serait remboursée via le budget de l’Union Européenne entre 2027 et 2057. Si le plan de la Commission Européenne constitue une avancée significative, en particulier dans la mesure où il inclut des subventions, il n’en reste pas moins très incertain. En effet, l’unanimité des 27 membres de l’Union Européenne est nécessaire pour que ce plan voie le jour. Or, plusieurs pays (Autriche, Danemark, Suède et Pays-Bas notamment) restent opposés à toutes formes de subventions. Au niveau de la politique monétaire, la Cour constitutionnelle allemande a rendu une décision dans laquelle elle considère que le programme d’achats d’actifs (PSPP) dépasse le mandat de la BCE. Cette décision va à l’encontre d’un avis précédent de la Cour de Justice de l’Union Européenne et, par-là, de la hiérarchie des normes européennes. La Cour constitutionnelle a donné trois mois à la BCE pour justifier et démontrer la proportionnalité de son action, faute de quoi la Bundesbank ne participera plus au PSPP. Suite à cette décision, la Commission Européenne et la BCE ont rappelé la primauté du droit européen et semblent refuser de se soumettre à la demande de la cour allemande. Enfin, au niveau économique, les données publiées décrivent un recul historique de l’activité, que ce soit du côté des ménages ou de la production industrielle. Au Royaume-Uni, les négociations du Brexit restent au point mort alors que la date limite pour étendre la période de négociation (le 31 juin) approche à grands pas.
En Chine, les données économiques publiées pour le mois d’avril illustrent un rebond de la production traduisant un timide retour à la normale pour les chaines de production chinoises. Au-delà de ce rebond, les pressions sur la demande, autant domestique qu’internationale, restent vives, comme le traduit la faiblesse persistante des ventes au détail, bien que le rythme annuel de décroissance se soit atténué en avril. Les perspectives d’activité n’en demeurent pas moins incertaines. Ainsi, et pour la première fois depuis 1994, le gouvernement a renoncé lors du Congrès du parti à fixer un objectif de croissance du PIB, en raison des fortes incertitudes économiques pesant sur 2020 (cible de 6 à 6,5% en 2019). Enfin, la Banque Centrale Chinoise a procédé à une baisse du ratio des réserves obligatoires. Au Japon, les données du mois d’avril illustrent la forte contraction de l’activité avec une baisse record des ventes au détail et de la production industrielle. Dans ce contexte, la Banque du Japon a créé une nouvelle facilité de crédit à l’occasion de la tenue d’une réunion d’urgence. Il s’agit d’un programme de prêt estimé à 30 000 Mds¥ (280 Mds$), portant la réponse totale de la BoJ au coronavirus à 75 000 Mds¥ (700 Mds$).
Rédigé par
Pierre Bossuet
Analyste économique
Le 4 juin 2020